https://iclfi.org/pubs/lb/239/cheminots
La dernière grève à la SNCF s’est encore soldée par une défaite. Les cheminots ont été envoyés à la bataille divisés, sur des journées différentes selon les métiers et les syndicats. Résultat : aucune des revendications catégorielles n’a été satisfaite et les syndicats en ressortent encore plus affaiblis qu’avant la bataille. La direction de la SNCF n’a pas lâché une miette. Malgré un taux de grévistes important dans certains secteurs comme chez les contrôleurs (près de 70 % sur les TGV selon Sud-Rail entre le 9 et le 11 mai), l’impact a été minime et très localisé (essentiellement dans le Nord et, de façon moindre, en Île-de-France sur certaines lignes de banlieue).
La direction de la SNCF en sort renforcée et peut continuer à mener la privatisation et les réorganisations à marche forcée sur le dos des cheminots. De plus, le gouvernement est à l’offensive : le ministre des Transports Philippe Tabarot veut renforcer l’arsenal antigrève en augmentant le délai de déclaration des grévistes de 48 à 72 heures ; il garde en réserve une loi déjà adoptée au Sénat qui pourrait, sur le modèle italien, interdire toute grève sur certains jours ciblés, notamment sur les dates sensibles des vacances scolaires et des fêtes de fin d’année.
Les bureaucrates syndicaux nous prennent pour des imbéciles. Sud-Rail (12 mai) prétend que « nos mobilisations ont affaibli la direction ! ». Sur la même longueur d’onde, la direction de la CGT-Cheminots considère que les cheminots sont en meilleure position pour des négociations… et appelle à de nouvelles grèves sectorielles début juin, ainsi qu’à une grève de 24 heures pour l’ensemble des cheminots le 5 juin, en lien avec un appel national de la Confédération sur les retraites.
La direction de la SNCF a montré qu’elle est préparée pour remplacer les grévistes par des briseurs de grève comme le Pool Fac (conducteurs) ou par des cadres désirant montrer leur servilité envers la hiérarchie et gagner une belle prime en récompense. Face à cela, les bureaucrates de Sud-Rail ou de la CGT n’ont d’autre riposte que de pleurnicher sur les plateaux télé et radio en espérant donner une mauvaise image à la direction auprès de l’opinion publique.
L’extrême gauche, qui possède une couche de militants combatifs et dévoués chez les cheminots, était bien consciente que la grève allait à la défaite et elle a critiqué, à juste titre, la bureaucratie syndicale pour sa stratégie de division corporatiste et par syndicats. Mais elle refuse de se battre pour arrêter les démonstrations de faiblesse organisées par les bureaucrates et pour préparer dans le concret la défense ouvrière. L’axe stratégique du NPA-R, de Révolution permanente et de Lutte ouvrière est l’appel à l’organisation à la base comme solution miracle – une tentative de contourner les bureaucrates au lieu de les confronter politiquement. Les AG, aux rares endroits où elles ont encore lieu, sont réduites à peau de chagrin, regroupant en tête à tête les militants les plus combatifs et les bureaucrates, comme c’était le cas à la Gare du Nord le 7 mai : une vingtaine de grévistes ont été témoins d’un grotesque échange d’accusations mutuelles entre bureaucrates de Sud et de la CGT sur qui n’avait pas rejoint l’appel à la grève de l’autre.
Le NPA-R reconnaît que « les AG qui se sont tenues ont regroupé trop peu de collègues pour qu’une organisation propre des grévistes puisse voir le jour » (16 mai). En effet, l’énorme majorité des grévistes ont fait grève chez eux. Pourquoi ? Parce que les cheminots ont fait l’expérience, à travers toutes les précédentes grèves perdues, que les AG ne sont pas dirigées pour organiser la grève ; elles sont au contraire utilisées par les bureaucrates pour la contrôler, les militants de l’extrême gauche se limitant à des discours auto-complaisants et à des appels à la combativité. Tant qu’une opposition lutte de classe sérieuse ne sera pas organisée au sein des syndicats contre les directions traîtresses actuelles, cette situation ne changera pas.
De défaite en défaite, les dirigeants syndicaux nous mènent à la catastrophe. Pour préparer des luttes défensives ayant une chance de gagner, il est urgent que l’avant-garde s’organise. Nous reproduisons ci-dessous un tract de la LTF daté du 3 mai avec un plan de bataille dont les cheminots et militants d’extrême gauche peuvent se saisir.
Cheminots : Pour faire plier la direction ... il faut aller ensemble à la bataille !
Les cheminots se lancent dans un nouveau combat à partir du lundi 5 mai sur des revendications salariales et de conditions de travail. Plusieurs syndicats, dont la CGT Cheminots et Sud-Rail, ainsi que le Collectif national des ASCT (CNA, collectif des contrôleurs) appellent chacun à la grève... chacun dans son coin et par catégories. Lundi la CGT appelle à la grève les conducteurs et les contrôleurs ; Sud-Rail les agents commerciaux. Mardi, Sud appelle les agents du matériel ; mercredi les conducteurs. Les contrôleurs sont appelés par Sud et le CNA à faire grève du 9 au 11 mai (plusieurs métiers, dont les aiguilleurs, ne sont même pas appelés).
Les syndicats sont déjà très affaiblis et discrédités, et les bureaucrates font tout pour minimiser la puissance des travailleurs en cherchant à les mobiliser séparément par corporations. Un tel étalage de division ne peut que réjouir la direction et l’État et conduire la lutte à nouveau à l’impasse et finalement à la défaite, comme cela a été le cas depuis longtemps et notamment en décembre dernier. (Voir notre article « Comment reconstruire la puissance des cheminots ».)
En cherchant à reprendre la main face au CNA avec ces appels dispersés, calibrés pour ne pas trop déranger la circulation donc les capitalistes, les directions de SUD-Rail et de la CGT-Cheminots ne font que se discréditer davantage encore auprès des travailleurs. Les bureaucrates sabotent la mobilisation du CNA en pensant que cela va dissuader la création d’autres collectifs extra-syndicaux dans d’autres métiers. C’est tout le contraire qui risque de se produire avec un nouvel affaiblissement des syndicats. La solution n’est pas de déchirer sa carte syndicale mais de lutter pour une nouvelle direction syndicale décidée à unifier les travailleurs. Aujourd’hui les cheminots sont sur la défensive et l’heure n’est pas à une riposte d’ensemble de type grève illimitée qui puisse entamer une véritable remontée pour les acquis des travailleurs. Il va d’abord falloir la préparer.
Il est plus qu’urgent de rejeter les stratégies perdantes des dirigeants syndicaux. Il faut au préalable chercher à unifier tous les cheminots indépendamment des divisions syndicales, de métier et de statut. On ne peut pas gagner en restant divisés !
Pour cette bataille et au-delà, nous proposons :
- On fait grève tous ensemble ! Une seule heure de grève où pas un seul train ne circule aurait un effet contraire à la défaite qui s’annonce, car elle enverrait un message fort à la direction que les travailleurs ne forment qu’un poing uni contre elle.
- La concurrence entre syndicats, ça suffit ! Unification syndicale !
- Piquets de grève pour stopper la circulation !
- Caisses de grève pour éviter l’étranglement financier des grévistes !
- Campagnes de syndicalisation sur la base de l’embauche de tout le monde au statut de cheminot !