https://iclfi.org/pubs/lb/239/tous-ensemble
Il est temps pour l’extrême gauche de se réveiller pour organiser la défensive face aux assauts du gouvernement. Il y a bientôt un an elle clamait victoire à la sortie des urnes parce que le front populaire, dirigé par LFI, avait soi-disant fait barrage au RN. Aujourd’hui le bilan de cette politique mélenchoniste est sans appel : son seul résultat (et son seul objectif, du point de vue de gens comme Hollande) a été de permettre la survie du libéralisme macroniste, précisément le régime dont la détestation alimente le vote RN.
Des gouvernements de droite catholico-laïcards (antimusulmans) toujours plus réactionnaires se succèdent en multipliant les attaques contre travailleurs et minorités. Le RN, loin d’avoir été repoussé, continue de progresser parmi les travailleurs dégoûtés de l’impuissance de la gauche à proposer la moindre opposition sérieuse à Macron. L’élection de Trump marque un tournant dans la politique internationale, et malgré les fanfaronnades de Macron l’impérialisme français va se plier aux exigences des États-Unis. Tôt ou tard va se mettre en place un gouvernement pour y correspondre. Un budget de combat est déjà en préparation pour affamer les travailleurs du pays pour le compte des capitalistes américains, français et allemands.
Mais les bureaucrates syndicaux continuent comme si de rien n’était. Ils continuent de lancer des actions dans le secteur public et semi-public qui sont de moins en moins suivies parce que les travailleurs ont le sentiment que leur seul résultat est d’amputer la paie d’une journée de salaire et de désigner les militants les plus combatifs pour des représailles patronales ; la grève dans la fonction publique du 13 mai est passée presque inaperçue, et de même la semaine d’action à la SNCF début mai, à part dans le Nord de la France.
En résultat, l’avant-garde ouvrière se trouve isolée de la masse des travailleurs. Encore récemment une grève nationale à la SNCF était vue avec sympathie et espoir par beaucoup de travailleurs, qui voyaient dans les cheminots une avant-garde dont la lutte était dans l’intérêt de tous. Aujourd’hui ils ne voient plus que le RN comme étant « contre le système ».
Une partie de l’extrême gauche cherche à se rassurer avec le succès du 8 Mars et de la manifestation contre le racisme du 22 mars, ainsi que l’affluence au Premier Mai. En réalité ces manifestations étaient un baroud d’honneur de la petite bourgeoisie libérale mélenchoniste qui renâcle face à Trump et Retailleau. Et les cortèges syndicaux proprement dits du Premier Mai étaient faméliques, plus faibles que jamais.
En vue des attaques en préparation, le gouvernement a lancé une vague de poursuites judiciaires sans précédent contre les travailleurs militants, les dirigeants syndicaux, les défenseurs du peuple palestinien, les militants en Martinique, en Kanaky, contre la vie chère et l’oppression coloniale. Il veut profiter de l’isolement des militants d’avant-garde pour les faire taire et désorganiser toute riposte. Rien qu’en l’espace de huit jours en juin les principaux porte-parole du NPA-R et de RP, Gaël Quirante et Anasse Kazib, passent en procès à Paris. Rodrigue Petitot, figure emblématique du mouvement contre la vie chère en Martinique, repassera pendant ce temps à nouveau en jugement, et Georges Ibrahim Abdallah attend l’arrêt de la cour qui doit statuer sur sa mise en liberté. Les procédures judiciaires se sont étendues même à des députés nationaux ou européens de la France insoumise, sans parler des poursuites contre les militants syndicaux comme Jean-Paul Delescaut et les jeunes des quartiers accusés d’ « apologie du terrorisme » pour cause de déclarations anodines de solidarité envers la Palestine ou de dénonciations des violences policières.
Pendant des années, la bourgeoisie avait dû s’accommoder des tactiques des bureaucrates de journées d’action accompagnées de grèves plus dures dans les secteurs semi-publics les plus combatifs. Celles-ci servaient de soupape de sécurité pour la pression de la base, et en quelque sorte de bac à sable pour l’extrême gauche ; elles restaient dans le cadre d’une chorégraphie contrôlée par les bureaucrates pour que tout se passe dans un cadre tolérable pour la bourgeoisie, sans que l’économie se retrouve véritablement paralysée. Les procès contre Gaël et Anasse, militants à la Poste et à la SNCF, montrent que la bourgeoisie veut en finir même avec ces pratiques. Aujourd’hui plus rien ne doit dépasser si la bourgeoisie française veut espérer enrayer son déclin, encore accéléré par la fin de l’ordre libéral où elle avait sa petite place sous le parapluie américain.
Il faut défendre les militants, mais il faut aussi faire le bilan de la pratique syndicale de ces dernières années. Elle s’est soldée par une série de défaites et surtout une défaite majeure, la lutte pour les retraites de 2023 : les mélenchonistes et les bureaucrates syndicaux s’étaient réparti la tâche pour canaliser la lutte dans des journées d’action et des grèves isolées alors même que tout le monde savait par avance qu’il fallait autre chose pour briser la volonté de Macron et de la bourgeoisie. Il faut rompre avec la stratégie de collaboration de classe des bureaucrates et lutter pour une nouvelle direction dans les syndicats !
Pour que le mouvement ouvrier puisse reculer en bon ordre et se remettre en ordre de bataille, il faut que tous fassent bloc derrière chacun des militants poursuivis. Il faut une défense énergique et unitaire de tous. Si pour chacun des procès des milliers de travailleurs et de jeunes des quartiers se massaient devant les tribunaux, cela pourrait faire trembler la main des juges capitalistes et nous mettrait en meilleure position pour les luttes qui auront lieu à l’automne. Notre organisation internationale, la LCI, s’est engagée dans cette campagne (voir ci-dessous), y compris en proposant au NPA-R et à RP des manifestations unitaires devant les ambassades et consulats de France à l’étranger.
Malheureusement chaque organisation, chaque secteur se trouve isolé face aux attaques. Les bureaucrates syndicaux font plutôt obstacle à une mobilisation de leur base contre les juges de Macron car pour eux la tâche du moment est de trouver un point d’accord avec lui pour réindustrialiser le pays. Ils partent pour cela non des intérêts des travailleurs mais de l’effort de guerre à fournir. Lors du show télévisé de Macron le 13 mai, Binet s’est efforcée lamentablement de convaincre Macron de sauver les sites sidérurgiques, agitant en filigrane l’argument que pour avoir une industrie française autonome de canons il faut pouvoir en produire l’acier. Cette collaboration de classe empêche d’organiser la défense des emplois dans les secteurs frappés par les licenciements : elle doit se faire contre les patrons et leur gouvernement.
Même à l’extrême gauche on ne va le plus souvent guère au-delà d’une signature quand on n’est pas directement touché. On cherchera ainsi en vain dans les pages hebdomadaires de Lutte Ouvrière un appel à l’unité dans la lutte contre la répression. LO se trompe lourdement si elle croit qu’elle passera entre les gouttes de Retailleau-Darmanin si RP et le NPA-R voient leurs dirigeants emprisonnés. Nous appelons les militants de LO à se ressaisir : nous sommes tous concernés ! Il ne suffit pas de prévoir la crise, la montée de la réaction et la guerre, comme le fait LO à longueur d’éditoriaux, il faut y préparer consciemment les travailleurs en aidant leurs luttes quotidiennes et d’abord la défense des militants.
Pour avoir une tactique appropriée il faut comprendre la situation générale et le rapport des forces en présence. Dans les entreprises, l’heure est pour le moment à des luttes pied à pied pour défendre les conditions de travail et les salaires. Mais là aussi, les défaites de ces dernières années pèsent. La classe ouvrière est terriblement affaiblie. Pour se regrouper, elle doit revenir aux tactiques lutte de classe qui ont fait leurs preuves dans le passé, comme de solides piquets de grève. Elle doit préparer consciemment ses luttes en se choisissant un état-major qui ne soit pas par avance dévoué à accepter le cadre donné par l’ennemi de classe. Il faut lutter pour des pôles révolutionnaires pour chasser les bureaucrates et les remplacer à la tête des syndicats. Nous proposons quelques éléments autour desquels organiser de tels pôles :
- Tous ensemble devant le tribunal de Paris le 12 et le 18 juin pour les procès de Gaël et Anasse !
- Les travailleurs doivent s’unifier dans un seul syndicat sur chaque lieu de travail, quel que soit leur statut. Embauche immédiate de tous les précaires, apprentis et sous-traitants au plein statut !
- Une bataille de classe, comme tout conflit militaire, doit se préparer et s’organiser en accumulant par avance les moyens logistiques nécessaires (une caisse de grève dès maintenant, pour ne pas se retrouver affamé au bout d’une semaine de lutte) et en sélectionnant un état-major prêt à l’affrontement avec la bourgeoisie.
- À bas la répression coloniale ! Indépendance pour Kanaky, Martinique et toutes les colonies ! Levée des poursuites contre Rodrigue Petitot, liberté pour Christian Tein et tous les autres ! Il faut rompre avec les républicains de la France insoumise : ils ne s’opposent à la répression que parce qu’à leurs yeux elle met en danger la pérennité de la domination coloniale française.
- Défense du peuple palestinien et de ses partisans ici ! Levée immédiate des poursuites contre Anasse, Rima Hassan et tous les militants poursuivis pour solidarité avec le peuple palestinien !