https://iclfi.org/spartacist/fr/48/chine
Le mémorandum ci-dessous, soumis par le camarade Qimin, a été adopté au plénum du Comité exécutif international de la LCI en avril.
Des libéraux de l’Élysée aux staliniens de Zhongnanhai, un grand front uni d’indignation s’est dressé contre Trump. En réponse au « Monsieur droits de douane », le régime de Xi Jinping tonne qu’il se battra jusqu’au bout. Mais pour le Parti communiste de Chine (PCC) il s’agit avant tout de défendre son propre modèle de croissance qui dépend du système économique international régi par les États-Unis. Comme le disait Martin Wolf dans le Financial Times (1er avril), « dans le monde d’aujourd’hui, les États-Unis sont une puissance révolutionnaire, plus précisément une puissance réactionnaire, tandis que la Chine soi-disant communiste est une puissance du statu quo ». En effet, c’est bien pour défendre l’ordre libéral mourant que la Chine a rapidement décrété une série de contre-tarifs douaniers.
Après le « jour de libération » de Trump les lubies du PCC ont été mises en évidence. Le chaos créé par Trump conduirait soi-disant les autres pays à se rapprocher graduellement et pacifiquement de la Chine. Il est bien probable que de manière temporaire il y ait du tapage diplomatique et que certains pays se rapprochent en effet de la Chine. Mais, à terme, l’étau impérialiste de Trump forcera la grande majorité des États dans l’orbite américaine à se rallier à une alliance antichinoise.
La gauche pense soit que la République populaire de Chine (RPC) est une puissance impérialiste montante, soit qu’elle est le fer de lance de l’anti-impérialisme. Ces deux caractérisations sont fondamentalement erronées car toutes deux supposent que le PCC cherche à bouleverser l’ordre américain. Au fond, ce qui caractérise les dirigeants chinois, c’est leur bureaucratisme conservateur. Sous la pression des impérialistes, le PCC, à sa manière bien stalinienne, doit défendre l’État ouvrier. Pourtant son objectif essentiel n’est pas de briser et de remplacer l’ordre mondial américain mais de rester numéro deux.
Pour paraphraser Gramsci, le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Si l’on est dans un tel scénario aujourd’hui, c’est que les bureaucrates septuagénaires du PCC ne veulent pas combler le vide causé par la décomposition de l’ordre mondial américain. En refusant de lutter pour un ordre socialiste mondial ils pavent la voie à de violentes crises en Chine et à travers le Sud global. Aujourd’hui aucun pays, à l’exception de la Chine, n’est en mesure de supplanter l’empire américain. C’est pourquoi, malgré le pourrissement avancé de l’industrie américaine, le reste du monde continue de se plier aux diktats de Washington et de Wall Street.
Mais peu importe ce que veut la Chine, son ancien modèle qui dépendait de la mondialisation ne peut perdurer du moment que Trump et Cie font voler en éclat ce système dépendant des États-Unis. Xi Jinping peut convoquer à Beijing autant de milliardaires qu’il veut, les impérialistes sont désormais déterminés à étrangler la République populaire, même si cela implique de ne plus profiter de la main-d’œuvre chinoise bon marché.
Mais que fait le PCC ? Il poursuit le même vieux modèle exportateur causant des baisses de salaire pour les travailleurs et les jeunes et l’envolée du taux de chômage. La RPC continue de dépendre principalement du dollar pour ses échanges commerciaux, faisant de l’économie l’otage de Wall Street et de la Réserve fédérale. Du fait de luttes intestines entre bureaucrates pour quelques privilèges mesquins, d’énormes déséquilibres économiques se perpétuent, avec pour conséquence que des ouvriers ne sont pas payés pendant des mois. Pour satisfaire les impérialistes, les capitalistes chinois sont autorisés à réaliser des profits gigantesques dans des secteurs de première nécessité tels que la santé, l’éducation et le logement.
Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, a récemment réaffirmé l’adage du PCC selon lequel « la mondialisation économique est irréversible » (Xinhua, 24 février). C’est une vision objectiviste de l’histoire où la division internationale du travail et de la production ne peut que continuer à se développer au fil du temps. La prospérité et la paix sont censées découler de cette configuration rationnelle. Ce que le PCC nie, c’est que l’expansion de l’économie mondiale avait pour condition essentielle l’hégémonie américaine, où la flotte américaine régnait sur les océans. Avec sa perspective le PCC nie aussi que la décadence de l’impérialisme fait obstacle à l’internationalisation des forces productives, et cela le mène nécessairement à rejeter la lutte contre l’impérialisme.
Ce refus de reconnaître que la mondialisation avait pour condition la domination des États-Unis a de graves conséquences stratégiques pour la Chine. Par exemple, le PCC s’accroche à l’illusion que l’UE peut devenir un pôle géopolitique autonome. Les difficultés économiques de la Chine dues à la pression douanière américaine sont censées être résolues par le commerce avec le continent européen – comme si l’Europe n’était pas dépendante des États-Unis et alignée sur eux. Les « grandes » puissances du continent dépendent du Trésor américain pour leur renflouement en cas de récession, et leurs armées ne peuvent pas combattre plus de quelques semaines sans l’aide américaine. De plus, les impérialistes européens ne veulent pas qu’un État ouvrier devienne l’architecte d’un ordre alternatif (et d’ailleurs les capitalistes du Sud global ne le veulent pas davantage).
Les illusions pacifistes du PCC sur l’ordre mondial sont inhérentes à sa nature de caste bureaucratique. Xi Jinping et sa bande veulent protéger leur domination parasitaire sur la République populaire et son économie dirigée par l’État. Comme la bureaucratie n’a pas la lutte des classes comme boussole pour guider ses actions et qu’elle se base sur le « socialisme dans un seul pays », elle ne peut que chercher à s’accommoder à l’impérialisme mondial. Même lorsque la bureaucratie est poussée à la confrontation, sa perspective nationale étroite la conduit à rechercher des accords avec les impérialistes au détriment de la lutte anti-impérialiste internationale. En fin de compte, comme elle rejette le socialisme international, elle ne peut que s’accrocher à l’illusion d’une « coexistence pacifique ». Le nœud du problème, c’est que les capitalistes ne considèrent pas qu’une coexistence pacifique soit possible avec un État ouvrier.
Il ne fait pas de doute que les staliniens chinois se voient obligés de prendre une posture plus belliqueuse à l’égard des impérialistes américains. Mais en faisant cela ils restent motivés par la défense de leurs propres privilèges. S’ils font un virage à gauche il sera accompagné de répression et de mesures bureaucratiques qui affaibliraient la défense de l’État ouvrier. Au lieu de considérer les ouvriers et les paysans chinois comme des ennemis potentiels à surveiller et à maîtriser, des communistes dignes de ce nom chercheraient à orienter l’énergie des masses vers la lutte contre l’impérialisme.
Sans une perspective pour le socialisme mondial, la Chine peut se faire isoler. Les maoïstes nationalistes disent que ce ne serait pas un problème parce que la Chine d’aujourd’hui n’est pas la Chine technologiquement arriérée du Grand Bond en avant. Mais même l’Union soviétique de Brejnev, qui était à égalité avec les États-Unis sur le plan militaire, n’a pas pu briser l’encerclement impérialiste. De l’URSS de Brejnev à la Chine de Xi, en l’absence d’un plan élaboré par la démocratie soviétique, le commandement bureaucratique restreint le progrès technique et le niveau de vie des masses. Aujourd’hui encore, les plans du PCC visant à automatiser la production mettent en péril des millions d’emplois dans l’industrie manufacturière.
Le statu quo n’est pas tenable. S’opposer aux impérialistes impliquerait également de s’attaquer aux capitalistes chinois. Cela pourrait être explosif au sein même de la bureaucratie, car beaucoup de bureaucrates ont des liens matériels avec cette classe. Changer radicalement de cap provoquerait également des chocs qui feraient surgir le spectre d’un soulèvement des masses. En fin de compte, les staliniens ne peuvent pas offrir de voie de salut à la Chine, quel que soit le visage qu’ils présentent. Un programme révolutionnaire internationaliste est la seule issue pour un État ouvrier assiégé. C’est la leçon à tirer de la destruction de l’Union soviétique. Le choix pour la Chine est en dernier ressort soit la révolution politique, soit la contre-révolution sociale. L’autarcie stalinienne ne fera que retarder l’inévitable.
Conflits mondiaux
La Chine est aujourd’hui la première puissance industrielle du monde. Sa capacité de construction navale est 232 fois supérieure à celle des États-Unis. Pourtant, l’influence réelle de la Chine sur les événements mondiaux est minuscule par rapport à sa puissance économique et militaire objective. L’Armée populaire de libération (APL) n’apparaît nulle part dans les grands conflits mondiaux.
L’OTAN accuse la Chine d’aider la Russie dans sa guerre en Ukraine avec des technologies à usage militaire. En réalité la Chine n’a pas envoyé une seule balle ni un seul obus. Elle soutient économiquement la Russie en profitant des sanctions pour se procurer du gaz bon marché (et en inondant Moscou de voitures). Mais le commerce, ce n’est pas la même chose que l’aide militaire directe comme celle que les Américains accordent en masse à l’Ukraine de Zelensky. Le représentant de la Chine au Conseil de sécurité des Nations Unies disait en faisant allusion à la durée de la guerre : « Si la Chine avait réellement procuré des armes à la Russie, la situation sur le champ de bataille ne serait pas là où elle en est aujourd’hui » (un.china-mission.gov.cn, 16 janvier).
On peut en dire autant du génocide israélien à Gaza. Contrairement à l’aide militaire soviétique aux Palestiniens, il n’y a pas de missiles de l’APL entre les mains du Hamas ou du Hezbollah. À la place il n’y a que des appels à revenir au « droit international ». Le manque d’engagement de la Chine dans le conflit palestinien réfute les affirmations selon lesquelles la Chine serait une puissance impérialiste ou que le PCC serait une force anti-impérialiste. Si l’une ou l’autre de ces affirmations était vraie, la Chine interviendrait massivement pour porter un coup aux Américains. Sous une direction internationaliste révolutionnaire, la République populaire chercherait à forger une alliance anti-impérialiste avec les travailleurs et les opprimés du Sud global. Si des combattants palestiniens équipés de missiles Dongfeng et de nuées de drones frappaient les impérialistes au Moyen-Orient, non seulement cela favoriserait leur propre libération, cela limiterait également la capacité des impérialistes à étrangler la Chine par une escalade militaire dans la première chaîne d’îles.
Taiwan
Et puis il y a Taiwan. Les impérialistes multiplient les projections sur le moment et les modalités d’une guerre. Pour les États-Unis, Taiwan est un atout trop précieux pour être abandonné. Militairement, c’est un porte-avions insubmersible tout près du continent. Économiquement, c’est là que sont fabriqués la majorité des semi-conducteurs de pointe. Et surtout, il y a l’utilité politique de Taiwan : à la fois comme exemple de « démocratie libérale » chinoise servant à fustiger les staliniens et comme piège pour une invasion par l’APL qui pourrait faire voler en éclats une bureaucratie fragile et ouvrir la voie à la contre-révolution.
Quant au PCC, tant qu’il développera l’économie chinoise dans le cadre de l’ordre américain, il ne voudra franchir aucune ligne rouge concernant Taiwan. Mais si Beijing est expulsé de l’ordre américain (contre la volonté du PCC), les risques de guerre à propos de Taiwan pourraient augmenter. Une grave récession économique pourrait également rendre la guerre une option attrayante pour le régime. Cependant, une réunification armée selon le modèle « un pays, deux systèmes » voudrait dire conquérir Taiwan avec un programme qui serait un repoussoir pour le prolétariat et maintiendrait le capitalisme, ce qui maximiserait l’opposition à la RPC. Les trotskystes cherchent au contraire une réunification révolutionnaire par l’extension de la révolution sociale à Taiwan avec y compris un élargissement des libertés démocratiques pour la classe ouvrière, et par la révolution politique sur le continent, où les travailleurs prendraient les rênes du pouvoir.
S’alignant sur l’agressivité de Trump, la bourgeoisie collabo de Taiwan fait monter les enchères en expulsant les influenceurs favorables à l’unification. Elle a également accepté de construire plusieurs usines de fabrication de semi-conducteurs aux États-Unis. Il est clair que les travailleurs taiwanais craignent la guerre et souhaitent donc maintenir le statu quo. Cependant, ce statu quo est en train d’être détruit par les maîtres impériaux de l’île. Cela rend la lutte contre l’impérialisme américain urgente, et ni les partis capitalistes taiwanais ni les staliniens ne peuvent la mener. Après tout, ces derniers veulent préserver le capitalisme dans l’île et cherchent donc à s’allier à la bourgeoisie taiwanaise. Seule une lutte révolutionnaire prolétarienne contre la domination américaine pourrait mobiliser les masses laborieuses. Ce serait également la meilleure garantie de paix dans le détroit de Taiwan : en sortant les Américains, l’APL aurait moins de raisons d’envahir le territoire.
Commerce international
L’ensemble de la stratégie de développement du PCC repose sur les exportations, qu’il s’agisse de chaussures Nike dans les années 1990 ou de voitures électriques conçues par la Chine aujourd’hui. Cela s’est traduit par l’intégration et la participation au commerce international via le dollar. Pendant des décennies, les dollars gagnés par les exportateurs chinois en surexploitant leur classe ouvrière ont été recyclés dans le Trésor américain, ce qui finançait la croissance américaine alimentée par la dette. Cela a permis en même temps aux capitalistes américains de délocaliser leur industrie et d’affaiblir leur prolétariat sans pour autant entraîner un effondrement du niveau de vie.
Contrairement à ce qu’affirme Xi Jinping, les échanges commerciaux entre la Chine et les États-Unis n’ont pas été « mutuellement bénéfiques et gagnant-gagnant ». Du côté chinois, d’énormes ressources économiques ont été consacrées aux exportations plutôt qu’à la consommation, avec pour résultat que 900 millions de personnes vivent avec moins de 3 000 yuans par mois (environ 412 dollars américains). En doublant la mise sur ce modèle, même avec des produits de haute technologie, le régime de Beijing rend l’économie plus vulnérable aux droits de douane que l’économie américaine.
Depuis 2013, la bureaucratie de Xi Jinping s’efforce consciemment de réduire sa dépendance vis-à-vis du dollar américain. D’où l’initiative « des nouvelles routes de la soie » et de l’« internationalisation du renminbi ». Au lieu de continuer à acheter des bons du Trésor américains, la Chine allait utiliser les dollars pour construire des infrastructures à l’étranger et pousser les autres pays à commercer en yuans. Le problème, c’est que si on ne rompt pas politiquement et économiquement avec les impérialistes, on se retrouve toujours avec des échanges en dollars, mais en passant par des intermédiaires.
Bien que la non-convertibilité du yuan constitue un outil important pour la Chine afin de protéger son économie, elle signifie également que les échanges internationaux en yuans relèvent essentiellement du troc bilatéral. Le yuan reste en grande mesure indexé sur le dollar afin de maintenir les exportations et de garantir que la Chine soit un élément stabilisateur dans l’ordre américain. De fait, les BRICS brassent beaucoup de vent sur la « dédollarisation » mais toutes leurs monnaies reposent sur le dollar. La République populaire devrait au contraire établir une monnaie convertible adossée à une valeur réelle, comme l’or, qui aurait de ce fait une diffusion mondiale. Pour empêcher une éventuelle fuite des capitaux hors de Chine, il faudrait exproprier les biens des capitalistes chinois sous contrôle ouvrier. Créer les bases d’un système alternatif d’échanges commerciaux internationaux fondé sur les intérêts du prolétariat international et où les échanges se feraient en dehors du dollar porterait directement atteinte à l’impérialisme américain.
Pour rompre ainsi avec l’hégémonie américaine il faut vaincre le programme du « socialisme dans un seul pays » de la bureaucratie du PCC. Il ne s’agit pas de retourner à la pauvreté autarcique de la période maoïste mais de lutter pour l’extension internationale de la révolution sociale. Nous ne voulons pas dire par là que la Chine doive exporter la révolution par les armes, mais que sa politique commerciale et sa politique étrangère doivent servir les intérêts du prolétariat international. C’est le meilleur moyen de préserver la République populaire.
En revanche, de nombreux projets des routes de la soie ont été construits par des travailleurs chinois, souvent au détriment de la classe ouvrière locale. Là où cette dernière n’est pas exclue, les projets des routes de la soie s’accompagnent de campagnes antisyndicales. Cela attise le nationalisme contre la Chine dans les pays du Sud global et rend beaucoup plus difficile de montrer aux travailleurs qu’ils ont un intérêt à la défendre.
Les plans de développement devraient être élaborés dans l’intérêt de la classe ouvrière internationale. À l’heure actuelle, l’énorme flot d’exportations de la Chine entraîne la désindustrialisation partout dans le Sud global. Des milliers de sidérurgistes sud-africains risquent le licenciement non seulement en raison des menaces douanières américaines mais aussi à cause des surcapacités chinoises. Il faudrait au contraire fixer des quotas de production sous le contrôle conjoint des travailleurs des deux pays. Au lieu d’exclure les travailleurs locaux, les fabricants chinois qui s’installent à l’étranger devraient être placés sous l’autorité de la RPC, avec des travailleurs locaux embauchés avec des conventions collectives. Le versement d’un salaire décent à ces travailleurs couperait totalement l’herbe sous le pied des impérialistes, qui ont pour mode opératoire de verser des salaires de misère ; et cela gagnerait à la République populaire des millions d’ardents défenseurs.
Si de véritables bolchéviks étaient aux commandes, les travailleurs des usines chinoises à l’étranger recevraient une formation politique dans le but d’encourager la lutte anti-impérialiste prolétarienne. Alors que les impérialistes tentent d’évincer la Chine des pays du Sud global, la République populaire devrait s’appuyer sur les travailleurs et non sur les bourgeoisies locales, qui sont lâches et opportunistes, pour défendre ses usines. De plus, l’industrialisation du Sud global permettrait à des milliards de personnes de sortir de la pauvreté tout en stimulant la consommation et le niveau de vie en Chine.
Stagnation économique
Le sentiment aigu de crise en Chine vient du fait que le régime s’accroche à l’ancien modèle économique alors même que les Américains le mènent droit au gouffre. Cela explique les chaises musicales de plus en plus rapides au sein du Comité central, et les « mesures disciplinaires » prises à l’encontre des ministres de la Défense, de l’Agriculture et de la Technologie. De plus, un effondrement de l’économie mondiale donnerait aux impérialistes américains l’occasion d’augmenter massivement les sanctions contre la Chine. Mettre fin aux importations chinoises bon marché va de pair avec la tentative des impérialistes de réindustrialiser l’Occident.
Un ralentissement majeur de l’économie mondiale serait un choc économique énorme pour la Chine. Mais la bureaucratie ne peut pas se permettre d’avoir des millions de travailleurs au chômage, ce qui pourrait conduire à un nouveau Tiananmen comme en 1989. L’économie se retrouverait probablement dans un état zombie, avec des usines improductives maintenues en activité pour garder les gens au travail. Comme le disait la vieille blague soviétique, « ils font semblant de nous payer, et nous faisons semblant de travailler » (bien qu’en Chine ce soit 72 heures par semaine). Aujourd’hui déjà, des industries d’État produisant de l’acier de qualité médiocre sont maintenues en activité malgré l’effondrement du secteur de la construction. Une telle stagnation à la Brejnev ferait perdre du terrain à la Chine dans la course technologique contre l’Occident. C’est déjà le cas avec le marasme dans l’immobilier où le prix des logements est soutenu par des sociétés immobilières d’État qui achètent des terrains dans le cadre de ventes aux enchères organisées par l’État. Les jeunes disent déjà du régime que c’est « l’heure des poubelles ».
L’économie dépend de plus en plus du secteur public. Les investissements étrangers ont été réduits à trois fois rien tandis que d’énormes crédits publics sont consacrés aux usines de panneaux solaires et de véhicules électriques. Bien sûr c’est un élément extrêmement progressiste. L’électrification et l’automatisation à grande échelle pourraient se traduire par une hausse significative du niveau de vie et une réduction rapide du temps de travail. On pourrait consacrer des ressources aux besoins sociaux et gravir « les trois grandes montagnes », la santé, l’éducation et, de plus en plus, les soins aux personnes âgées.
Mais le gouvernement des parasites du PCC fausse la planification économique et empêche les travailleurs de jouir des fruits de leur labeur. Des fermes solaires sont restées déconnectées du réseau électrique pendant des années car des petits bureaucrates provinciaux préféraient construire des centrales thermiques fonctionnant au charbon local. Vingt millions de voitures électriques peuvent être produites par an mais le travailleur moyen peut à peine s’en offrir une. L’économie d’État doit être placée sous contrôle ouvrier, et doit fonctionner dans l’intérêt des masses, non des bureaucrates.
La caste bureaucratique paralyse sa propre capacité de planification en faisant disparaître ou en maquillant les chiffres de l’économie. On massacre les statistiques économiques pour que des carriéristes puissent truquer les chiffres, obtenir des promotions et dissimuler quelle proportion de la production est siphonnée dans leur intérêt privé. Pendant ce temps, Beijing continue d’exiger un rythme dingue de croissance qui confère aux bureaucrates prestige et légitimité. Cela signifie perpétuer les surcapacités monstrueuses et le gaspillage de la production, tout cela pour atteindre un objectif de PIB. Il faut ralentir le rythme des investissements pour l’exportation. Les capacités excédentaires doivent être reconverties pour satisfaire d’autres besoins sociaux et réduire drastiquement les prix afin d’améliorer les conditions de vie des travailleurs.
Pour que la République populaire puisse résister à l’effondrement de l’ordre mondial américain, il faut balayer la conception du « socialisme avec des caractéristiques chinoises » du PCC. Pendant les 40 dernières années ce pacte avec le diable avait semblé apporter un immense succès à l’économie chinoise. En réalité il a étayé l’ordre américain en décomposition et permis aux impérialistes de dépenser au-delà de leurs moyens en asservissant le prolétariat mondial. Aujourd’hui, les diables de Washington rejettent ce marché. Mais les bureaucrates de Beijing sont si bornés qu’ils croient qu’ils vont gagner avec leur stratégie de ne rien faire (!!). Pas du tout. L’économie chinoise est bien plus vulnérable à l’étranglement impérialiste que l’inverse. La tâche des révolutionnaires est de s’assurer que la République populaire minimise sa vulnérabilité dans les crises qui viennent en étendant les forces du socialisme sur le plan mondial. Il n’y a pas de temps à perdre.