https://iclfi.org/pubs/lb/241/desastre
Nous reproduisons ci-après un tract de nos camarades britanniques du 13 septembre.
Le premier devoir des révolutionnaires est de dire la vérité, quelque amère qu’elle soit. Et la vérité, c’est qu’à Londres, le 13 septembre, le camp de Tommy Robinson a remporté une victoire écrasante. Sa manifestation réactionnaire pour « Unir le royaume » a rassemblé des centaines de milliers de personnes (voire un million), tandis que la contre-manifestation organisée par Stand Up to Racism [Debout contre le racisme] a réuni moins de 10 000 personnes. La droite était confiante, sûre d’elle, prête à en découdre. La contre-manifestation était minuscule, fragile, mollassonne, et elle s’est retrouvée nassée. Inutile d’enjoliver les choses : ce fut une défaite cuisante pour notre camp, c’était effrayant pour tous les opprimés de ce pays et un sinistre avertissement sur ce qui nous attend.
Ceci doit être un signal d’alarme pour tous les militants de gauche ! Quiconque essaie de cacher la vérité et de minimiser cette défaite est tout simplement en train de rendre un très mauvais service à la cause de l’antiracisme et du socialisme. Une chose doit être claire : tout ce que la gauche fait depuis des années ne marche tout simplement pas.
Et ce qui ne marche pas, c’est la politique libérale de Stand Up to Racism, qui domine la lutte contre la droite, et dont la totale impuissance était patente aujourd’hui. Toute la manifestation était organisée sur la base de platitudes libérales telles que « les réfugiés sont les bienvenus ici », « pas de frontières », « l’amour, pas la haine », etc. Et, en conséquence, le tout s’est transformé en un pathétique à-plat-ventrisme pour la paix, digne des ONG, des féministes travaillistes et des pacifistes, ce qui fait passer la gauche pour une bande de hippies pas sérieux.
Il n’y avait pratiquement pas de service d’ordre dans la manifestation. Alors qu’elle s’approchait de Trafalgar Square et que les éléments d’extrême droite multipliaient les provocations, aucune force organisée n’était là pour protéger les manifestants. Cela s’explique par le fait que la manifestation était conçue comme un défilé de carnaval et non comme une force de combat. Et aussi parce que Stand Up to Racism compte entièrement sur la police pour protéger ses manifestations – une autre illusion libérale qui en réalité est un aveu de faillite. Pas étonnant que les travailleurs issus des minorités aient boudé la manifestation.
La manifestation n’était pas non plus organisée comme un pôle de lutte de la classe ouvrière. Certes, les banderoles de tous les syndicats du pays étaient là. Mais tous ceux qui étaient là ont vu que les banderoles étaient portées par des retraités et des militants de gauche. Il fallait être délibérément aveugle pour ignorer le fait que la plupart des travailleurs étaient du côté de Tommy Robinson. C’est là encore le résultat de la faillite complète de la politique libérale. Depuis des années, la stratégie de Stand Up to Racism consiste à insulter tout travailleur qui exprime son inquiétude au sujet de l’immigration et de la crise des réfugiés en le taxant de « raciste » et de « fasciste ». Ce genre de stratégie ne fait que pousser les travailleurs dans les bras de la droite.
Et la cerise sur le gâteau, c’était le défilé des orateurs : les députés travaillistes Diane Abbott et John McDonnell, les bureaucrates syndicaux du NEU, du PCS, de l’ASLEF et du TUC, qui tous soutiennent le gouvernement Starmer ! Ces gens sont avec le gouvernement et font partie intégrante de l’establishment ! Faut-il s’étonner alors que la plupart des travailleurs associent la gauche aux défenseurs du statu quo ?!
Platitudes libérales et moralisme, confiance dans la police et alliance ouverte avec ceux qui soutiennent le gouvernement. C’est tout cela qui pousse des millions de travailleurs dans les bras de Tommy Robinson et de Nigel Farage.
Il est aujourd’hui facile de jeter la pierre à Stand Up to Racism. Ce groupe et le SWP méritent certainement qu’on leur reproche sans ménagement d’avoir conduit la lutte contre la droite dans l’impasse de la politique libérale. Mais qu’ont fait les autres groupes de gauche ? Comment ont-ils essayé de combattre cette orientation ? Le RCP, SAlt, FRFI, le CPB, le CPGB, le SP, etc. C’est une défaite pour nous tous. Mais la vérité est que ces groupes refusent de s’opposer au libéralisme de la gauche, source du désastre actuel. Il faut que ça cesse. Le pays a basculé à droite et toute la gauche refuse de l’admettre. Il est temps de se réveiller ! D’avoir une bataille sur les causes de tout cela, et sur ce qu’il faut faire pour y remédier. Au minimum, tous les groupes de gauche doivent travailler ensemble pour organiser la prochaine contre-manifestation, avec comme objectif de former un bloc combatif et solide pour résister à la droite dans la meilleure tradition du front unique. Par-dessus tout, nous devons regagner la confiance de la classe ouvrière envers notre camp.
Le 13 septembre, la Spartacist League a constitué un pôle modeste mais réel de combativité dans la manifestation. Nous avons défilé derrière une banderole qui proclamait « Il faut écraser les nervis racistes, rejeter Farage, rompre avec Starmer », et une autre où l’on pouvait lire « Larguons les libéraux, gagnons les travailleurs ». Nous avons scandé « Les “peace and love” ne stopperont pas les fascistes, mobilisons les masses laborieuses », et d’autre slogans contre Starmer. (Sans surprise, certains manifestants d’extrême droite étaient désarmés par nos mots d’ordre contre Starmer. Il s’avère que quand on s’oppose frontalement au gouvernement, on peut réellement saper l’influence de Robinson.)
Car la vérité est que la plupart des gens qui étaient du côté de Robinson n’étaient pas des fascistes. On peut seulement imaginer ce qui se passera quand, dans quelques mois, de véritables nazis s’organiseront pour écraser notre camp. Nous ne devons pas attendre pour le découvrir. Le temps presse pour les socialistes. Soit nous changeons de cap, soit nous coulerons avec les libéraux. Le 13 septembre doit être un brutal signal d’alarme.

