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https://iclfi.org/pubs/lb/236/italie

Nous reproduisons ci-après un article de nos camarades italiens paru dans Spartaco n° 86, mai 2024.

La situation des travailleurs, des immigrés et des pauvres en Italie est insoutenable et ne fait qu’empirer. Au gouvernement, la famille Addams de la réaction poursuit avec insolence la guerre contre les travailleurs entamée par le gouvernement Draghi ; elle donne des coups de pied aux syndicats, elle envoie des armes et des milliards pour soutenir les paladins de l’OTAN en Ukraine et elle matraque les étudiants qui protestent contre le génocide en Palestine.

Mais du côté de l’opposition, c’est le vide sidéral. Les syndicats piétinent. Au mieux, ils organisent des demi-grèves qui n’aboutissent à rien tout en étant prêts à faire marche arrière dès que le gouvernement hausse le ton. La gauche radicale tourne à vide ; reprenant les mots d’ordre du libéralisme dominant, elle est complètement incapable de peser de manière indépendante sur les évènements politiques. Dans les usines, les travailleurs les plus conscients se sentent isolés et découragés. Les plus âgés espèrent prendre leur retraite et les jeunes sentent la corde de la précarité autour du cou. La majorité survit sous le signe du chacun pour soi. Comment en est-on arrivé là ? Que faut-il faire pour en sortir ?

La classe ouvrière est paralysée face au gouvernement car ceux qui passent pour l’opposition de gauche au parlement (Parti démocrate, M5S, Alliance Verts-Gauche) soutiennent l’ordre impérialiste euro-atlantique en étant de mèche avec les dirigeants syndicaux traîtres tandis que la gauche radicale, les syndicats de base et les organisations marxistes en restent à mi-chemin : ils crient dans les rues « Italie hors de l’OTAN », mais ils soutiennent presque tous l’UE et rampent devant le M5S, les Santoro, Fratoianni [deux personnalités libérales de gauche] et compagnie. Ce sont des gens qui trompent les masses avec de belles paroles sur la paix, la neutralité et la Constitution, mais qui défendent l’UE et l’OTAN et ne remettront jamais en question les intérêts de la classe dirigeante capitaliste.

Pour devenir un véritable facteur, le mouvement ouvrier doit se remettre sur pied et tracer une ligne claire contre le libéralisme euro-atlantiste et tous ceux qui le soutiennent ou qui restent à la croisée des chemins et refusent de le combattre. Il doit prendre une position claire et concrète en opposition à l’UE et à l’OTAN et en défense de la Palestine. Les conditions de vie de la classe ouvrière en dépendent directement.

Le consensus euro-atlantique a dévasté la classe ouvrière

La structure politique et sociale italienne actuelle a été créée après la Deuxième Guerre mondiale sous forme d’appendice de la prédominance impérialiste américaine. Ayant perdu la guerre, menacé par une vague révolutionnaire ouvrière et paysanne, le régime de Mussolini était tombé comme un fruit pourri. Il laissait un vide de pouvoir que ni la monarchie, ni le Vatican, ni les partis bourgeois, discrédités par vingt ans de soutien au fascisme, n’étaient en mesure de combler. Les capitalistes italiens se jetèrent dans les bras de l’impérialisme américain pour sauver leur régime. L’ensemble de l’appareil d’État fut reconstruit sous l’égide américaine, réunissant les anciens préfets et commissaires fascistes, le clergé catholique et la mafia. L’impérialisme américain devint le garant de l’existence de la bourgeoisie italienne qui, en retour, se prêta au rôle d’avant-poste atlantiste aux frontières du bloc soviétique.

Mais le rôle décisif fut joué par le Parti communiste (PCI) de Togliatti et Secchia. Au moment précis où toutes les conditions étaient réunies pour étendre la révolution jusqu’au rivage de l’Atlantique, il désarma le prolétariat italien et remit les capitalistes en selle, mettant en œuvre les accords de Yalta au moyen desquels Staline cherchait une illusoire coexistence pacifique avec les impérialistes anglo-américains. Tout en critiquant violemment le Pacte atlantique, en votant contre l’adhésion de l’Italie et en exigeant la sortie de l’OTAN, le PCI s’efforça d’empêcher la classe ouvrière de remettre en question l’ordre issu de la guerre. Même après qu’ils furent évincés du gouvernement et durement réprimés pendant les années de guerre froide, les staliniens n’organisèrent jamais une lutte révolutionnaire contre l’ordre impérialiste euro-atlantique ; ils se présentaient en « partisans de la paix » dans le but de pousser la Démocratie chrétienne et ses marionnettistes américains à une coexistence pacifique avec l’URSS, et ils promettaient en retour la paix sociale dans le pays.

La classe ouvrière italienne a payé un lourd tribut à cette politique. Le « miracle économique » de l’après-guerre sous protectorat américain a été rendu possible par le déracinement des masses paysannes du Sud parties travailler dans les industries du Nord (ou louées à la Belgique et à l’Allemagne contre du charbon et des produits manufacturés), par les terribles conditions de vie des travailleurs et des émigrants dans les bidonvilles du triangle industriel dans le Nord de l’Italie, par les rythmes de travail harassants et par la répression brutale des droits syndicaux et politiques.

Lorsque les travailleurs et les jeunes se mobilisèrent finalement pour contester ces conditions au cours de l’« automne chaud » de 1969, agitant à nouveau le spectre de la révolution, la direction du PCI fit de son mieux pour confiner l’explosion dans la camisole des « réformes structurelles ». Dans les années 1970, l’association CIA-Démocrates chrétiens joua un rôle crucial dans la mise au pas de la classe ouvrière en combinant le terrorisme d’État, la stratégie de la tension et les structures contre-insurrectionnelles de Gladio, tout en s’ouvrant politiquement à la coopération avec le PCI par le biais du Compromis historique. Le PCI accepta. Il apporta son soutien à plusieurs gouvernements démocrates-chrétiens et proclama ouvertement sa fidélité au Pacte atlantique, selon les termes de son Secrétaire général Berlinguer : « Je souhaite que l’Italie ne sorte pas du Pacte atlantique […] parce que si nous sortions cela romprait l’équilibre international. Je me sens plus en sécurité en restant ici. » Le soutien explicite du PCI à la DC et à l’OTAN a ouvert la porte à l’âge de l’austérité, des sacrifices pour les travailleurs et de la répression violente de l’extrême gauche, qui a étouffé la vague de lutte des classes des années 1970.

Au début des années 1990, la destruction de l’URSS renforça l’alliance euro-atlantique, livrant toute l’Europe de l’Est à l’exploitation impérialiste. Dans le sillage de l’Allemagne et de la France et avec la bénédiction américaine, la bourgeoisie italienne se lança à corps perdu dans la construction de l’UE et de l’euro, avec lesquels elles dévorèrent « pacifiquement » les pays plus petits et plus pauvres de l’Europe de l’Est et du Sud. Pour les grands groupes industriels et les banques, la formation de l’UE a apporté trente ans de vaches grasses. Mais l’économie et la classe ouvrière en sont sorties en lambeaux. La privatisation des entreprises publiques et les délocalisations ont décimé les emplois et les salaires. L’imposition d’une austérité fiscale permanente pour payer la dette publique empêche la relance de la demande interne et saigne à blanc les écoles et la santé publique. Toute tentative modeste d’augmenter les dépenses publiques se heurte aux manœuvres déstabilisatrices de la finance et des gouvernements impérialistes. La classe ouvrière et la jeunesse ne pourront échapper à un avenir de misère et de décadence sans lutter pour renverser l’UE et l’OTAN, sur lesquelles reposent le pouvoir et les profits de la classe dirigeante italienne.

Au lieu d’organiser la défense des conditions de la classe ouvrière, la gauche a contribué pendant trente ans à les démanteler. Après que les dirigeants du PCI se furent réjouis de liquider le communisme et la lutte des classes, leurs héritiers (le Parti démocratique de la gauche et Rifondazione comunista) se sont consacrés à la concertation avec les euro-technocrates libéraux (Prodi, Monti, Draghi). La gauche a propagé le mythe de l’Europe sociale selon lequel ceux qui voulaient la paix, ceux qui étaient du côté des immigrés et des travailleurs, devaient défendre l’UE.

C’est pourquoi, lorsque la bulle des promesses de prospérité et de progrès a éclaté avec la crise de 2008, de nombreux travailleurs ont tourné le dos à la gauche. Leur colère et leur frustration ont été manipulées par les populistes de droite de la Lega et de Fratelli d’Italia, qui ont eu beau jeu de se présenter comme les seuls opposants à l’UE et comme les défenseurs des « Italiens » face aux désastres de la mondialisation libérale.

Une gifle réactionnaire à l’ordre libéral

La victoire de Meloni aux élections de 2022 a été une gifle réactionnaire au libéralisme dominant représenté par le gouvernement d’union nationale de l’euro-banquier Mario Draghi. La gauche étant prosternée devant les banques et l’UE, il était facile pour Meloni de faire campagne contre le pouvoir écrasant du « grand capital, des multinationales, des lobbies » et contre la « marginalité et subordination imposées par la gauche italienne au gouvernement pour plaire à ses partenaires européens », et d’accuser la gauche d’être responsable des confinements, du marasme économique et de la souffrance de la population.

Mais la droite travaille aussi pour les banques et les grandes multinationales. Elle tente d’apporter une réponse différente au même problème : comment maintenir et augmenter les profits des capitalistes italiens en mettant en avant le protectionnisme et en essayant de donner à l’Italie un poids plus important au sein de l’UE et de l’OTAN.

Depuis qu’elle a remporté les élections, Meloni a également été un fidèle exécutant des intérêts de la classe dirigeante italienne : les financiers, les grands capitalistes, les fonds d’investissement impérialistes. Elle a mis de côté son opposition à l’UE et poursuit résolument « l’agenda Draghi » :

  1. Soutenir l’OTAN et sa guerre par procuration contre la Russie en Ukraine ;
  2. Soutenir l’UE et payer la dette extérieure en étranglant le peuple ;
  3. Faire payer aux travailleurs le coût de la crise en augmentant le prix de l’énergie, des denrées alimentaires et des prêts hypothécaires, tout en gelant les salaires et en annulant le revenu de citoyenneté (RDC).

Ce programme est partagé par le PD. Sa dirigeante Ely Schlein a salué le revirement de Meloni par rapport à ses anciens slogans anti-UE et elle présente le PD comme un rempart de l’OTAN et de l’UE contre le « poutinisme » de Matteo Salvini. Quant à l’opposition au gouvernement, le PD se contente d’agiter à la télévision les épouvantails impuissants du libéralisme : Fratelli d’Italia est infesté de porcs misogynes ? Votez pour le PD, dont les coupes dans les services sociaux ont fermé des centaines de centres de planning familial et rendu le droit à l’avortement inapplicable ! Salvini et Meloni refusent d’aider les bateaux de réfugiés ? Votez pour le PD, qui a inventé les refoulements en mer et les centres de détention et qui a permis que des millions d’immigrés soient utilisés comme réserve de main-d’œuvre sans droits et soumise au chantage. Le système de santé s’effondre ? Votez pour le PD qui l’a saigné à blanc et qui continuera à le faire pour payer la dette nationale. Meloni a prolongé les contrats à durée déterminée, s’oppose au salaire minimum et réduit le RDC ? Votez pour le PD qui a entériné la précarité à vie (Jobs Act), imposé la retraite à 67 ans (loi Fornero) et s’est farouchement opposé à l’introduction du RDC.

Les dirigeants de la CGIL [Confédération générale italienne du travail], voyant que Meloni suivait les diktats euro-atlantiques sur l’Ukraine, lui ont immédiatement tendu un rameau d’olivier en l’invitant à leur Congrès de mars 2023. Depuis, leur mot d’ordre est de calmer le jeu ! Ils n’ont pas levé le petit doigt pour lutter contre la vie chère quand l’inflation grimpait en flèche et que les taux d’intérêt s’affolaient. Quand les périphéries des villes du Sud étaient en ébullition contre la baisse du RDC et l’augmentation de la précarité, ils ont fait à peine trois manifestations et évité toute grève. Les demi-grèves de novembre contre le projet de loi de finances en sont restées là dès que le gouvernement a brandi la menace des réquisitions. Et sur l’Ukraine et la Palestine, les dirigeants de la CGIL ont appelé les brigands impérialistes de l’UE et de l’ONU à ramener la paix, en se gardant bien de lever le petit doigt dans les usines et les ports contre le soutien du gouvernement à l’Ukraine et à Israël.

La classe ouvrière doit s’opposer à l’UE et à l’OTAN et défendre la Palestine

Pour vaincre le gouvernement Meloni, il faut organiser une lutte contre l’ordre impérialiste euro-atlantique et les forces qui le soutiennent : le PD, la gauche libérale et les dirigeants syndicaux traîtres. La crise impérialiste internationale continuera d’aggraver les conditions de vie des travailleurs et d’entraîner toujours plus le prolétariat vers la guerre. Il n’est pas possible de revenir en arrière, aux années d’expansion pacifique de l’impérialisme mondialisé qui ont jeté les bases de la crise actuelle. Il n’est pas non plus possible d’envisager de contrer ces évolutions par des luttes purement syndicales ou des objectifs politiques limités. Pour aller de l’avant, un pôle révolutionnaire doit émerger au sein de la classe ouvrière pour lutter contre l’UE, contre l’OTAN et pour défendre la Palestine !

L’Italie hors de l’UE et de l’euro ! Il n’est pas possible d’augmenter les salaires, d’investir dans la santé, l’école, le logement et les retraites sans mettre fin à l’austérité permanente en répudiant la dette impérialiste. Il n’est pas possible de réindustrialiser et de moderniser le Sud sans des investissements gigantesques qui nécessitent l’expropriation des banques et des multinationales de l’énergie et de l’agroalimentaire sous le contrôle des travailleurs. Tout cela nécessite de rompre avec l’alliance européenne et l’euro, qui engraissent une poignée d’impérialistes et étranglent les masses.

À bas l’OTAN ! Il faut empêcher l’envoi d’armes et d’aide à l’Ukraine et à Israël ! Afin de préserver leur mainmise sur le monde dont ils sentent qu’elle leur échappe, les impérialistes de l’OTAN et de l’UE ont encerclé militairement et économiquement la Russie et provoqué une guerre faisant des centaines de milliers de victimes pour vaincre la Russie et dominer l’Ukraine. La guerre en Ukraine a coûté des centaines de milliards aux travailleurs de toute l’Europe, elle a provoqué une inflation qui a réduit les salaires réels de 8 % et elle menace d’entraîner les masses laborieuses de toute l’Europe dans une guerre catastrophique. La domination impérialiste du monde néocolonial, garantie par l’OTAN, permet aux capitalistes d’exploiter doublement les travailleurs du tiers-monde et de baisser les salaires et détériorer les conditions de vie ici aussi, avec une guerre entre pauvres sur les salaires et les délocalisations. S’opposer à l’OTAN est crucial pour construire une alliance entre la classe ouvrière des pays impérialistes et les masses laborieuses du tiers-monde, contre l’exploitation commune et l’oppression nationale.

La classe ouvrière organisée doit lutter pour la libération de la Palestine. Si l’on n’empêche pas les impérialistes et leurs agents israéliens de massacrer le peuple palestinien sans être inquiétés et d’asservir les masses arabes au Moyen-Orient, leur système d’exploitation sera renforcé partout. Il faut relancer le mouvement de défense de la Palestine en le liant aux luttes des travailleurs, des immigrés et des jeunes contre leur oppresseur commun : l’impérialisme. La classe ouvrière internationale peut mettre fin au massacre. L’Italie est le troisième fournisseur d’armes à Israël. Les syndicats peuvent les arrêter ! L’Italie est truffée de bases de l’OTAN et des États-Unis qui contrôlent la Méditerranée. Les travailleurs peuvent se battre pour les fermer ! L’Italie a des troupes au Liban et dans la mer Rouge. Les travailleurs doivent exiger leur départ ! Pour défendre la Palestine, le gouvernement doit être mis au pied du mur. Une véritable grève contre le gouvernement aiderait la Palestine mille fois plus que les plaidoyers platoniques du Pape ou de Landini (chef de la CGIL). Elle aiderait les travailleurs à arracher des augmentations de salaire et des investissements massifs dans la santé, l’éducation et les retraites. Rien de tout cela ne pourra se produire tant qu’il y aura à la tête des syndicats des gens qui soutiennent l’impérialisme italien. Nous devons construire une opposition anti-impérialiste dans le mouvement syndical qui lutte pour en chasser les lèche-bottes de l’UE et de l’OTAN !

En faisant sienne la lutte pour la libération de la Palestine, le mouvement ouvrier contribuerait également à surmonter le racisme et l’islamophobie qui divisent travailleurs italiens et immigrés et affaiblissent la classe ouvrière. Cette division sert les intérêts des patrons et n’est pas seulement le fait de la droite raciste, mais aussi de la gauche libérale. En trente ans, les gouvernements libéraux ont importé cinq millions de travailleurs, les maintenant dans la ségrégation et sans droits au bas de l’échelle sociale, afin de les utiliser comme main-d’œuvre bon marché soumise au chantage et afin de faire baisser les salaires de tous. En réponse, la droite a monté les travailleurs contre les immigrés pour écarter du danger le véritable responsable du manque de logements, de services sociaux et d’emplois décents : le profit des capitalistes. Pour servir leurs intérêts, les travailleurs doivent rejeter cette polarisation réactionnaire et se battre pour défendre les immigrés, lutter contre la ségrégation raciale et obtenir des emplois et des logements pour tous ! C’est le seul moyen de rompre l’isolement des immigrés et d’améliorer les conditions de vie de l’ensemble de la classe ouvrière.

Le mouvement propalestinien doit briser la camisole de force dans laquelle les libéraux et les réformistes l’ont enfermé. Les manifestations durent depuis des mois. Les étudiants protestent tous les jours. Mais le programme libéral sur lequel repose le mouvement – ouvrir les yeux de l’ONU, de l’UE, des gouvernements pour qu’ils freinent les sionistes – ne mène nulle part. Israël est un avant-poste américain au Moyen-Orient. « Genocide Joe » Biden et les dirigeants américains ne le lâcheront jamais. Ely Schlein et compagnie se mettent au garde-à-vous dès que les intérêts de l’impérialisme euro-atlantique sont remis en question. Le PD a soutenu l’envoi de la marine en mer Rouge pour défendre les voies de navigation et les intérêts d’Israël. Lorsqu’Israël a tenté d’entraîner l’Iran dans sa guerre contre le peuple palestinien, Schlein a tendu la main à Meloni en promettant de « collaborer dans l’intérêt de l’Italie ». Il n’est pas possible de défendre la Palestine sans se débarrasser du PD et de la gauche qui soutient l’UE et l’OTAN.

La gauche doit choisir son camp : Avec les travailleurs et la Palestine ou avec Santoro et Schlein

La situation pousse les jeunes et les travailleurs les plus combatifs à s’opposer à l’OTAN, à l’UE et au gouvernement Meloni et à se heurter au PD et aux pacifistes libéraux. Il est clair qu’il faut un front commun des forces luttant pour la Palestine et prenant le côté de la classe ouvrière, contre le PD, l’UE et l’OTAN. Mais la gauche radicale est faible et divisée et elle refuse de se baser ouvertement sur un programme de guerre de classe contre l’impérialisme. Elle préfère se mettre pathétiquement en quête d’alliés influents et respectables : l’Alliance Verts-Gauche, les ex-juges à la De Magistris, les journalistes autour du PD à la Santoro, les cardinaux amis et, pourquoi pas, le « bon pape » Bergoglio.

Santoro et d’autres personnalités dans l’orbite du PD se présentent aux élections européennes avec la liste « Paix, Terre, Dignité » (PTD) pour ramener dans le giron du PD les abstentionnistes dégoûtés par sa politique belliciste et anti-ouvrière. Santoro est clair : « Je ne suis pas contre l’OTAN. Je suis pour que l’Alliance atlantique en Europe soit dirigée par des Européens » et il ressert la vieille rengaine que « le salut peut partir de l’Europe si elle se réinvente et si, partant de la réconciliation entre la Russie, les États-Unis et l’Occident, elle se tourne vers le monde pour construire la paix ». Un rôle similaire est joué par le M5S de Conte, qui s’oppose à l’envoi d’armes en Ukraine et déplore les massacres à Gaza. Mais les pacifistes finissent toujours par s’agenouiller devant les dogmes de la classe dirigeante : pas d’opposition à l’OTAN, pas d’opposition à l’UE, droit d’Israël à « se défendre ». L’idée que la paix peut être maintenue par des prières, de la diplomatie et des appels à l’ONU a pour seul résultat concret de tromper les travailleurs et de les empêcher de prendre les choses en main et de mettre en œuvre leur propre action directe contre l’impérialisme et le gouvernement.

Potere al Popolo (PAP – Pouvoir au peuple) fait partie des organisations qui se sont le plus clairement rangées du côté de la Palestine, contre l’OTAN et l’UE. À l’université, les étudiants de Cambiare Rotta (Changer de route) ont été à l’avant-garde des campements pour Gaza. Mais au lieu de démasquer la gauche atlantiste, PAP est constamment impliqué dans des blocs avec des forces qui soutiennent l’UE et l’OTAN.

Pendant des mois, PAP a courtisé Santoro jusqu’à ce qu’il soit finalement obligé de prendre ses distances avec lui parce qu’il n’arrivait même pas à faire dire à Santoro le mot « ge-no-ci-dio » que même les bonzes de l’ONU répètent maintenant. (Rifondazione comunista, qui aime pourtant écrire des articles contre l’euro-atlantisme du PD et pour la défense de la Palestine, n’a même pas eu ces scrupules et a pris le train en marche de Santoro et compagnie.)

Mais même après la rupture avec Santoro, PAP a appelé à voter pour l’Alliance des Verts et de la Gauche (AVS), une force qui, selon les propres termes de PAP, « a agi pendant toutes ces années en “ravalant” la façade du centre gauche » et pour laquelle ses militants ne voudraient pas voter parce qu’elle est « compromise avec le PD ». Alors pourquoi voter AVS ? Pour « donner une gifle à l’extrême droite européenne, à Meloni et à Orban », explique PAP, « et pour essayer de libérer Ilaria Salis des prisons hongroises ». Mais on ne peut absolument pas donner une gifle à l’extrême droite en soutenant les partis pro-impérialistes qui l’ont fait grandir ! Au contraire, cela pousse les travailleurs mécontents encore plus dans les bras des populistes et aggrave la position des militants antifascistes face à la répression !

Les étudiants de Cambiare Rotta à Rome, avec le dirigeant du Réseau des Communistes (RDC), Luciano Vasapollo, ont été reçus en audience par le chef de la Conférence épiscopale italienne, le cardinal Zuppi, et le Pape. Quel message envoient-ils ainsi aux travailleurs ? Que l’Église n’est pas un pilier de la réaction capitaliste, qu’elle ne jette pas de la poudre aux yeux des masses, mais qu’elle est une alliée dans la lutte pour la paix.

Le programme de PAP et des groupes communistes qui le composent, tels que RDC et Cambiare Rotta, propose des solutions qui sont le contraire de ce qu’il faut. Pour la Palestine, PAP appelle à « une conférence internationale de paix sous l’égide de l’ONU », c’est-à-dire des parrains impérialistes d’Israël et de leurs laquais. À la crise de l’ordre impérialiste libéral, il oppose « la fin de la subordination de l’UE [par rapport à l’OTAN] et le dépassement de l’OTAN, pour affirmer un nouveau système de relations égales et multipolaires ».

Les illusions sur la bienveillance des institutions impérialistes internationales et la possibilité de créer un monde de « relations égales » sont à l’opposé de ce qui est nécessaire : mobiliser la classe ouvrière internationale dans la lutte contre l’impérialisme. Comme l’expliquait Lénine pendant la Première Guerre mondiale, le programme de paix des communistes

« doit consister avant tout à démasquer l’hypocrisie des belles phrases bourgeoises, social-chauvines et kautskistes sur la paix. C’est le point primordial et essentiel. Sans cela, nous sommes les auxiliaires involontaires ou volontaires de la mystification des masses […] Notre “programme de paix”, enfin, doit consister à expliquer que les puissances impérialistes et la bourgeoisie impérialiste ne peuvent pas nous donner une paix démocratique. Il faut la chercher et tâcher de l’obtenir, non pas en regardant en arrière, vers l’utopie réactionnaire d’un capitalisme non impérialiste ou d’une alliance de nations égales en droits au sein du régime capitaliste, mais en s’orientant en avant, vers la révolution socialiste du prolétariat. Aucune des revendications démocratiques essentielles n’est réalisable sur un plan tant soit peu large et solide dans les États impérialistes avancés autrement qu’au travers de batailles révolutionnaires sous le drapeau du socialisme. »

– « À propos du “programme de paix” », 1916

Les choses sont encore pires si l’on considère les groupes « trotskystes » et « léninistes », qui refusent parfois de soutenir les pacifistes aux élections mais capitulent encore plus ouvertement devant l’impérialisme ! Le Parti communiste des travailleurs (PCL) et le Parti d’alternative communiste (PDAC) sont aux côtés de la Palestine et se disent opposés à l’OTAN et à l’UE. Mais depuis deux ans, ils soutiennent la « victoire de l’Ukraine » qui, dans la guerre contre la Russie, agit au nom de l’OTAN et de l’UE. Le PCL critique la minorité de travailleurs plus conscients qui se sont concrètement opposés à l’envoi d’armes. Cette politique rend toute opposition à l’OTAN et à l’UE absolument impossible et, de fait, range le PCL et PDAC dans un bloc avec la bureaucratie syndicale pro-impérialiste de Landini et compagnie.

D’autres, comme Lotta comunista, prêchent la gloire future du communisme qui résoudra tous les maux du monde. C’est tout à fait vrai. Entre-temps, ils prétendent qu’Israël et les Palestiniens sont tout aussi réactionnaires les uns que les autres et que les communistes ne devraient pas défendre la Palestine ; ils rejettent avec dédain la lutte de libération nationale des masses arabes opprimées par les impérialistes. Sur la base de ces arguments faussement internationalistes, ils enseignent aux travailleurs à ne pas s’opposer aux impérialistes italiens, à l’OTAN et à leur avant-poste israélien au Moyen-Orient. À Gênes, où ils occupent des postes de direction au sein de la CGIL et de sa section portuaire, ils ont boycotté les tentatives des travailleurs du Collettivo autonomo lavoratori portuali (CALP) et de l’Unione sindacale di base (USB) d’empêcher l’envoi d’armes à Israël. En cela, ils ne sont pas différents des bureaucrates pro-impérialistes à la Landini et ils trahissent la lutte contre le génocide à Gaza.

Le résultat final, c’est que, bien qu’il y ait des dizaines d’organisations communistes et marxistes qui disent s’opposer à l’impérialisme, il n’y a tout simplement pas ce qu’il faut dans les élections européennes : une force ouvrière contre le PD et contre Meloni, pour la libération de la Palestine et opposée à l’UE et à l’OTAN.

La faiblesse de la gauche face au gouvernement provient de son refus de se battre sous le drapeau de la guerre de classe contre l’impérialisme euro-atlantique. Elle préfère ramper devant les libéraux et les pacifistes, qui à leur tour rampent devant le PD et le gouvernement. Mettre fin à cette politique ne peut que renforcer la lutte pour la Palestine et la lutte pour les intérêts des travailleurs et des opprimés. La tâche fondamentale des communistes aujourd’hui, comme à l’époque de Lénine, est de doter la classe ouvrière de son propre parti politique indépendant. Les jeunes et les travailleurs qui veulent changer les choses doivent réfléchir et agir en ce sens. C’est la seule façon de surmonter l’insignifiance de la gauche et de mobiliser la classe ouvrière dans une lutte victorieuse contre le gouvernement. La Lega trotskista d’Italia fera tout ce qu’elle peut pour aller dans cette direction et elle invite ceux qui sont d’accord à se joindre à l’effort commun.