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16 mai – Cisjordanie sur le territoire de l’État français : des flics et/ou des colons armés ont assassiné dans la nuit du 15 au moins trois Kanak. Le massacre était prémédité : les flics sont venus provoquer les militants sur les barrages, notamment à Montravel et Saint-Louis jusqu’à provoquer l’explosion que le pouvoir colonial a décidé de mater dans le sang. Des centaines de jeunes ont été blessés et incarcérés, alors que déjà 90 % des prisonniers dans la colonie sont des Kanak ou des Océaniens. Gabriel Attal a décrété l’état d’urgence et annoncé aujourd’hui le déploiement de l’armée en Kanaky, y compris par la réquisition d’avions commerciaux. Travailleurs de l’aviation civile : empêchez le décollage des avions commerciaux transportant troupes ou flics vers Kanaky !

Nous sommes avec le peuple kanak dans sa lutte pour l’indépendance. Le massacre du 15 mai montre l’impasse dans laquelle est arrivée la lutte. Les accords de Nouméa concoctés par le gouvernement PS-PC de Jospin en 1998 ont simplement gelé le problème en préservant la domination française pendant 25 ans supplémentaires. La seule manière d’avancer n’est pas d’appeler au calme en prolongeant les accords de Nouméa ou en cherchant un autre compromis illusoire avec l’impérialisme français. Celui-ci s’accroche avec l’énergie du désespoir à Kanaky pour maintenir une présence dans le Pacifique. Il faut le chasser en mobilisant la puissance de la classe ouvrière, en Kanaky dans le nickel, les ports et aéroports, les services publics, à la tête des Kanak opprimés, des Wallisiens et des immigrés Nivan ainsi que de la minorité parmi les Caldoches qui est pour l’indépendance.

Ce n’est manifestement pas la perspective du FLNKS ou du PT, qui continue d’appeler au calme et a même dénoncé l’explosion de colère de la jeunesse kanak. Ils ont cherché à canaliser la colère croissante parmi les Kanak dans des manifestations d’une ampleur inégalée (celle du 13 avril a rassemblé 60 000 personnes, soit près du quart de la population de la colonie – et alors que les Kanak eux-mêmes ne sont qu’environ 120 000) visant à avertir Paris que la tension montait. Ils ont supplié Macron pendant des mois de faire quelque chose car ils ne parviendraient pas à tenir éternellement leurs troupes et notamment la jeune génération. L’arrogance de l’impérialisme français vis-à-vis des Kanak n’a d’égal que son aveuglement.

Le déclencheur immédiat de l’explosion est le vote au parlement français de la révision du corps électoral de la colonie, qui rendrait les Kanak officiellement minoritaires dans les institutions locales au profit des colons, et dépossèderait les dirigeants kanak des quelques petites sinécures qui leur avaient été octroyées dans la gestion de l’appareil colonial et de l’usine de nickel du Nord – qui vient de plus d’être fermée par son propriétaire effectif, la multinationale Glencore. La famille française Duval, propriétaire de l’usine historique de nickel de la SLN à Nouméa, se détourne également de Kanaky en investissant en Indonésie, dont le minerai est à plus haute teneur que celui du Caillou. Toute la filière du nickel sur laquelle repose l’économie de l’île est en perdition. La seule voie pour en sortir est de développer l’industrie du raffinage de minerai sur place, avec des usines de production électrique correspondantes, un plan incompatible avec le maintien de l’oppression coloniale et avec celui de la loi du profit capitaliste.

Mais toute la perspective des dirigeants du FLNKS et du PT/USTKE est de continuer à s’accrocher aux accords de Nouméa en espérant que le pouvoir colonial va organiser pour lui de façon « impartiale » un nouveau référendum d’autodétermination. Tant que les Kanak resteront prisonniers des illusions dans ces accords ils ne pourront pas tracer une voie pour aller de l’avant.

La vérité c’est que Macron a décidé d’enterrer définitivement les accords de Nouméa en profitant de l’abstention massive des Kanak lors du référendum de décembre 2021 (le troisième et dernier, selon les accords), en pleine épidémie de covid. Effectivement, la décision des dirigeants kanak d’accepter le confinement face au covid qui frappait alors l’île avait été correctement interprétée par Paris comme une soumission à l’État français. Les chefs kanak confiaient la lutte contre le virus au pouvoir colonial en acceptant d’enfermer chez elle la population au lieu de lutter pour une voie indépendante en mobilisant la classe ouvrière contre le pouvoir colonial pour défendre la santé de la population face à la pandémie et en liant cette lutte à celle pour la liberté et le socialisme. Macron en a profité pour passer en force avec un référendum qu’il était assuré de gagner grâce à l’abstention décidée par le FLNKS et le PT (nous avions de notre côté appelé à voter oui à l’indépendance).

Aujourd’hui dans la métropole l’urgence est de mobiliser la classe ouvrière en solidarité avec la lutte du peuple kanak. Pour cela il faut lui montrer l’intérêt qu’elle a à une défaite en rase campagne de l’impérialisme français en Kanaky. Si l’impérialisme français était chassé de Kanaky cela encouragerait énormément la lutte de la classe ouvrière contre le pouvoir capitaliste ici – comme l’indépendance algérienne en 1962 a été le véritable précurseur de Mai 68. L’obstacle est le républicanisme de la gauche française qui enchaîne la classe ouvrière à la bourgeoisie. Elle continue de soutenir les accords coloniaux de Nouméa, qu’elle enjolive en parlant cyniquement de « processus de décolonisation » et en faisant miroiter l’idée qu’il serait possible de donner suffisamment de miettes aux Kanak tout en préservant les intérêts vitaux de la France dans la région.

Il est évident que les jeunes des quartiers ici peuvent voir en Kanaky le reflet de leur propre oppression et la similitude entre le déluge de force policière qui s’est abattu sur eux l’été dernier et celui en cours à Nouméa, de même qu’ils sympathisent avec le peuple palestinien victime de la terreur génocidaire de l’État sioniste, avec le plein soutien de l’impérialisme français. Pour mobiliser notamment ces jeunes au côté du peuple kanak il faut pour commencer les défendre énergiquement contre la répression et lutter pour l’amnistie de tous ceux qui ont déjà été condamnés.

Mélenchon prêche la « décolonisation » au sein de la République

Cela exige de franchir une ligne rouge aux yeux de Macron, une ligne que LFI ne veut ni ne peut franchir. Pour avancer il faut rompre avec le républicanisme et avec tous ceux qui le propagent parmi les travailleurs et les opprimés, y compris LFI. Mélenchon n’a pas manqué de faire de vagues déclarations de sympathie pour le peuple kanak, comme il l’a fait pour les quartiers… pour ensuite ne rien faire pour les défendre face à la répression massive. Il faut se rappeler son programme de campagne pour 2022 où il vantait la France comme « deuxième territoire maritime du monde » aux 11 millions de kilomètres carrés, un calcul basé essentiellement sur les possessions coloniales de la France.

Loin de prendre le côté des jeunes kanak en lutte, Mélenchon exprime maintenant sur X (15 mai) sa « tristesse totale devant la violence qui déferle à Nouméa ruinant 40 ans d’efforts de paix et de volonté de décolonisation pacifique ». Quel cynisme ! Ces 40 dernières années, comme depuis 1853, les gouvernements successifs de l’impérialisme français n’ont fait qu’opprimer les Kanak et piller la richesse naturelle du Caillou ! Mélenchon fait appel à Jupiter : « Président Macron, il est temps de faire les gestes qui apaisent. Soyez à la hauteur de Michel Rocard et François Mitterrand, de Tjibaou et Lafleur. » Mitterrand (le mentor de Mélenchon), qui disait en 1954 que « l’Algérie, c’est la France », a dirigé tout au long des années 1980 le massacre systématique d’indépendantistes kanak. Son employé Rocard a fait signer les accords coloniaux de Matignon en 1988 pour mettre fin à la lutte pour l’indépendance – la seule « décolonisation » digne du nom. Le leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou a trahi la lutte pour la libération kanak en signant ces accords avec le loyaliste chauvin Jacques Lafleur ! La seule préoccupation de Mélenchon en réalité, c’est que la brutalité à courte vue de Macron ne finisse par perdre la « Nouvelle-Calédonie » pour l’impérialisme français.

Pour toutes ces raisons, la libération du peuple kanak et celle des travailleurs et des opprimés de France sont intimement liées. Elles exigent ici et en Kanaky une direction communiste véritable. La libération nationale kanak et socialiste exige de chasser l’impérialisme français, mais ce ne sera que le début de la lutte, elle ne pourra être conclue que par le renversement définitif de l’impérialisme lui-même. La lutte aujourd’hui du peuple kanak pour sa liberté peut être un levier pour faire avancer la lutte pour la révolution socialiste en France même. Pour que la classe ouvrière en France s’en saisisse, elle doit rompre avec le républicanisme qui l’enchaîne. Troupes françaises, hors du Pacifique et hors d’Afrique et du Proche-Orient ! Indépendance immédiate pour Kanaky et la Polynésie !