https://iclfi.org/pubs/lb/235/greve
Depuis février dernier, des enseignants notamment de Seine-Saint-Denis ont fait de nombreuses journées de grève, avec un soutien significatif des parents, contre le « choc des savoirs » et les « groupes de niveau » discriminatoires du gouvernement et en exigeant un « plan d’urgence » à hauteur de 358 millions d’euros pour le système éducatif du département.
L’état de l’éducation publique dans le 9-3, le département le plus pauvre de la France métropolitaine, illustre de façon concentrée le niveau de misère et de ségrégation des quartiers : un corps enseignant réduit au minimum où chaque prof est chargé de parfois plus de 30 élèves ; écoles insalubres, sans plafonds, sans chaises, et des élèves qui ne mangent pas à leur faim, entassés comme des sardines dans des logements décrépits, parfois carrément sans domicile fixe, et qui n’ont pour tout avenir que des emplois non qualifiés, ubérisés chez Deliveroo ou, pour les femmes, dans les EHPAD ou chez Carrefour.
Cette grève montre comment l’oppression des minorités rabaisse les conditions de travail et de vie de tous les travailleurs : tant que les conditions de misère persistent dans les quartiers, la situation des profs eux-mêmes, et de l’ensemble de la classe ouvrière, n’avancera pas d’un pouce. C’est pourquoi satisfaire même les revendications minimales des profs exige d’élargir la lutte et les enjeux de la mobilisation à tout ce qui dégrade et discrimine la population des quartiers.
Tout le monde est au courant que le gouvernement n’a pas le moindre intérêt d’investir significativement dans les quartiers. Pour obtenir même le plan d’urgence minimal que demandent les profs, il faudrait le faire plier. Pour cela, il faudrait mettre au centre de la lutte l’oppression et la ségrégation des quartiers. Il faut occuper les écoles en conjonction avec le mouvement propalestinien ; pour mobiliser les jeunes et les parents, il faudrait notamment demander la levée des inculpations des jeunes suite à la révolte de l’été dernier. Il faudrait s’opposer frontalement à l’interdiction du voile et de l’abaya. Il faudrait chercher à généraliser la grève à chaque école au moins dans les départements populaires voisins (9-4, 9-5) et à Paris même, où les quartiers populaires qui restent (18e, 19e, 20e) font face à des conditions similaires. Il faudrait chercher à mobiliser d’autres secteurs ouvriers avec plus de poids social, notamment les cheminots du RER B ou les travailleurs des bus, déjà précarisés par l’ouverture à la concurrence entre la RATP, Transdev, Keolis, etc., et dont les enfants sont les premiers concernés. Il faut nationaliser tout l’enseignement privé !
Au lieu de cela, la bureaucratie syndicale a maintenu la grève isolée. Elle a poursuivi la même stratégie perdante consistant à éviter la confrontation avec le gouvernement, en l’appelant à la raison et à la défense de l’« école de la République ». Comme toujours, ce sont les militants syndicaux les plus conscients qui font grève, chacun à titre individuel, avec pour résultat de ne jamais fermer une seule école et de conduire à l’épuisement financier des grévistes. Peu à peu, l’énergie déployée s’évapore, conduisant à une nouvelle défaite dans l’indifférence générale. En somme, une répétition à petite échelle des tactiques de l’année dernière, découlant du programme procapitaliste des bureaucrates. Tirons les leçons cette fois !