https://iclfi.org/pubs/lb/238/syndicats
Traduit de Workers Hammer n° 255 (hiver 2025) journal de la SL/Britain.
La tâche la plus élémentaire des socialistes est de mener les luttes de la classe ouvrière à la victoire. De la victoire dans leurs luttes quotidiennes contre les patrons à la victoire sur la classe dirigeante. Cela exige bien sûr déjà que la masse des travailleurs suive les socialistes.
Mais aujourd’hui non seulement le mouvement socialiste n’a pas l’hégémonie sur la majorité de la classe ouvrière, la plupart des travailleurs lui sont au mieux indifférents, voire carrément hostiles. Les dirigeants qu’ils ont, c’est-à-dire les dirigeants des syndicats, ont mené la vague de grèves de 2022-2023 à la défaite en refusant de renverser un gouvernement conservateur pourtant faible et détesté. Les syndicats en sont en conséquence sortis affaiblis ; beaucoup de membres ont démissionné par frustration et colère. Puis en 2024, les dirigeants syndicaux ont tous fait campagne pour porter au pouvoir le gouvernement anti-ouvrier de Starmer.
Les travailleurs sont désarmés et démoralisés ; ils se retrouvent aux prises avec une direction déloyale. Comment sortir de cette situation déplorable ? C’est la question que tout révolutionnaire sérieux doit se poser. Notre réponse : nous devons renforcer et reconstruire les syndicats, et cela se fera contre la direction actuelle et pour une direction socialiste.
Alors, comment la gauche réagit-elle ? Certains cherchent à « diriger » la classe en soutenant (parfois de manière critique) les traîtres actuels, ou un groupe ou un autre d’« oppositionnels » capables de tenir des propos combatifs tout en ayant les mêmes opinions procapitalistes. Ou encore, ce qui revient au même, ils ont des « comités de base » qui ne luttent pas pour une nouvelle direction, vouée à un syndicalisme différent, mais seulement pour faire pression sur l’actuelle. Il y a aussi ceux qui ferment les yeux et prétendent que la direction actuelle de la classe va disparaître comme par enchantement et que d’un seul coup la classe les suivra. Ce qu’ils ont tous en commun, c’est de refuser de traiter la direction procapitaliste comme un obstacle à renverser.
Des groupes comme le Socialist Workers Party, le Socialist Party (associé en France à la Gauche révolutionnaire) et le Communist Party ont tous des membres à des postes syndicaux, depuis le représentant syndical jusqu’au dirigeant national. Ils ont obtenu ces postes non pas en concurrence avec les dirigeants procapitalistes mais en collaboration avec eux. Ils le justifient toujours en disant que certains dirigeants sont plus combatifs ou plus à gauche que d’autres. Mais ils commettent toujours les mêmes trahisons. Ils prétendent diriger les travailleurs mais tout ce qu’ils font, c’est faire porter sur les socialistes eux aussi la haine légitime des travailleurs envers ces bureaucrates.
En période de lutte, nombre de ces mêmes groupes forment des « comités de base » afin de faire pression pour poursuivre une grève, ajouter des revendications, etc. Il faut dresser la base contre les dirigeants, non seulement pour faire pression mais pour les renverser. Une grève qui perd à cause de sa direction a besoin d’une nouvelle direction et non de revendications supplémentaires pour perdre quand même.
Des groupes comme le Parti communiste révolutionnaire pensent que le simple fait de dire « rejoignez les communistes » est la réponse à tout (ou fera oublier aux travailleurs qu’hier ils soutenaient Sharon Graham – une bureaucrate pro-OTAN !). Pour sa part, le World Socialist Web Site publie souvent des articles perspicaces sur les conditions de vie de la classe et les trahisons de ses dirigeants, pour ensuite dénoncer les syndicats dans leur ensemble ! Ces deux stratégies signifient en fait un pacte de non-agression avec les dirigeants actuels des syndicats, miroir du soutien que d’autres groupes apportent à ces dirigeants.
Notre point de départ n’est pas de choisir le moins mauvais, ni d’ignorer à quel point ça va mal. Nous partons de la position générale de la classe ouvrière et de comment faire avancer ses luttes. Pour l’instant, il s’agit de regrouper, de protéger et de reconstruire les syndicats après la défaite.
De ce point de vue, nous examinons chaque secteur et formulons une ligne de lutte basée sur les besoins des travailleurs de ce secteur et correspondant à cette stratégie d’ensemble. C’est en luttant pour les droits et les conditions de travail que les syndicats gagnent la confiance de leurs membres ; cette confiance est nécessaire pour renforcer les syndicats et recruter de nouveaux membres.
Nous signalons les obstacles à la réalisation de cet objectif : la stratégie de sabotage menée par les dirigeants procapitalistes. Nous formulons nos revendications et nous nous battons pour elles, contre ces dirigeants. Nous remettons ainsi la question de la direction à sa juste place ; il s’agit de voir ce qui fait avancer et ce qui fait reculer les conditions de vie quotidiennes et la lutte générale de la classe ouvrière.