https://iclfi.org/spartacist/fr/47/eichhorn
Puisque la LCI a répudié son opposition à se présenter à des postes exécutifs gouvernementaux ainsi qu’à occuper ces postes, nous devons également corriger l’article « La police et la Révolution allemande de 1918-1919 » publié dans Spartacist édition en français n° 42 (été 2015). Cet article critiquait notre brochure de 1994 La touchante confiance de Militant Labour dans l’État capitaliste et condamnait l’action d’Emil Eichhorn, membre de l’aile gauche du Parti social-démocrate indépendant (USPD) : sous la direction d’Eichhorn, les ouvriers insurgés avaient désarmé la police de Berlin en novembre 1918. Prenant la tête de la police, Eichhorn recruta une milice rassemblant des milliers d’ouvriers et de soldats socialistes. En réaction à son limogeage par les autorités prussiennes en janvier 1919, les ouvriers se soulevèrent ; mais l’insurrection spartakiste fut réprimée dans le sang par le gouvernement social-démocrate.
Concernant le rôle d’Eichhorn dans ces événements, notre brochure de 1994 affirmait à juste titre :
Contredisant cette évaluation, l’article de Spartacist dépeignait Eichhorn comme un idiot réformiste, dénonçait son « illusion » qu’il pourrait remplacer la police pendant les événements révolutionnaires et fustigeait également les ouvriers qui s’étaient soulevés pour le défendre. L’« illusion fatale » qu’« on pouvait simplement prendre le contrôle des organes existants de l’État bourgeois », déclarions-nous, « influença le cours des événements en janvier 1919. Les travailleurs, dont beaucoup étaient armés, n’étaient pas organisés pour lutter pour le pouvoir. »
Cet article est une expression pure de la méthode ossifiée et formaliste qui sous-tendait notre position précédente sur les postes exécutifs. En dépit de leurs erreurs, Eichhorn et les travailleurs qu’il dirigeait n’avaient pas « simplement pris le contrôle » de l’appareil policier mais avaient utilisé son poste pour créer une nouvelle force basée sur les ouvriers en armes et rendant des comptes aux conseils ouvriers – ce que doit chercher à faire toute révolution. Eichhorn proclama clairement que tel était son objectif quand il annonça devant une foule immense, après son limogeage : « J’ai reçu mon poste de la révolution et je ne le remettrai qu’à la révolution ! » (cité par Pierre Broué dans Révolution en Allemagne, 1917-1923, Les Éditions de Minuit, 1971).
Notre condamnation scolastique d’Eichhorn minimisait l’importance de la leçon principale de l’échec de la Révolution allemande. La raison pour laquelle les travailleurs « n’étaient pas organisés pour lutter pour le pouvoir » était qu’il leur manquait une direction révolutionnaire éprouvée. Le Parti communiste n’avait été fondé que fin décembre 1918, après la scission de ses principaux dirigeants avec l’USPD. Cette rupture extrêmement tardive avec les sociaux-démocrates joua un rôle clé dans le déroulement tragique des événements de 1918-1919, qui aboutirent à l’assassinat de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg par les sbires de Gustav Noske. Cette vérité fondamentale, quelles que soient les fautes d’Eichhorn, ne diminue en rien son rôle en tant que héros de notre classe.