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https://iclfi.org/spartacist/fr/46/direction

Le document suivant a été adopté par la Huitième Conférence internationale de la LCI.

Les grandes périodes de lutte de classe unissent le mouvement ouvrier dans une lutte commune contre la classe capitaliste. Les périodes de réaction ont l’effet inverse ; elles exacerbent ses divisions selon des lignes nationales, raciales, de genre et de métier. Ces cycles d’unité et de division se reflètent au sein de l’avant-garde du mouvement ouvrier, c’est-à-dire des partis et des organisations qui prétendent lutter pour la révolution socialiste. Au cours de la longue période de réaction postsoviétique, la gauche marxiste s’est morcelée en groupes de plus en plus petits, sur fond de dogmes et de cliques. Avec autant de groupes prétendant fournir une direction révolutionnaire, la question se pose : en quoi consiste au juste une direction révolutionnaire ? À l’heure actuelle, où la lutte de classe s’intensifie au rythme des bouleversements mondiaux, une réponse correcte à cette question est essentielle. D’une part pour évaluer le bilan des organisations prétendant lutter pour la révolution et d’autre part pour établir la base pour l’unification internationale de l’avant-garde révolutionnaire.

La question de la direction révolutionnaire est pratiquement toujours présentée d’une manière plus compliquée qu’elle ne l’est vraiment. En vérité, sur cette question de base du marxisme – et c’est le cas la plupart du temps – il n’y a pas de meilleure réponse que l’explication simple et claire du Manifeste du Parti communiste :

« Les communistes ne se différencient des autres partis prolétariens que sur deux points : d’une part, dans les diverses luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts communs à l’ensemble du prolétariat et indépendants de la nationalité ; d’autre part, aux divers stades de développement que traverse la lutte entre prolétariat et bourgeoisie, ils représentent constamment l’intérêt du mouvement général.

« Pratiquement, les communistes sont donc la fraction la plus décidée, la plus mobilisatrice des partis ouvriers de tous les pays ; théoriquement, ils ont, sur le reste de la masse du prolétariat, l’avantage d’une vision claire des conditions, de la marche et des résultats généraux du mouvement prolétarien. »

Une direction communiste de la lutte de classe doit avoir une compréhension scientifique des rapports de classe, depuis la situation internationale jusqu’aux conditions d’un lieu de travail individuel. Une direction est communiste non pas par la pureté de ses intentions, par sa doctrine abstraite ou parce qu’elle proclame qu’il faut la « dictature du prolétariat », mais par sa capacité d’avancer la ligne de conduite correspondant le mieux aux intérêts objectifs du mouvement ouvrier dans son ensemble. Il faut être guidé par le but final – renverser le capitalisme et établir un ordre socialiste international. Mais on ne peut se rapprocher de ce but que dans la mesure où on le poursuit en partant de la réalité d’un temps et d’un lieu donnés, non pas en évitant mais en affrontant les principaux obstacles qui se dressent sur son passage.

Il découle de cette conception que la seule façon d’évaluer le caractère révolutionnaire d’un parti ou d’un groupe est de juger si, dans le cours des événements, il se bat pour les intérêts du mouvement dans son ensemble ou si ceux-ci sont sacrifiés aux intérêts d’autres classes ou de secteurs isolés du mouvement ouvrier. À chaque tournant de la lutte de classe, la capacité du parti à guider la classe ouvrière est mise à l’épreuve. Dans Les leçons d’Octobre (1924), Trotsky décrit le fonctionnement interne de ce processus :

« Un parti révolutionnaire est soumis à la pression d’autres forces politiques. À chaque période de son développement, il élabore les moyens d’y résister et de les refouler. Aux tournants tactiques, qui comportent des regroupements et des frictions intérieurs, sa force de résistance diminue. De là la possibilité constante pour les groupements intérieurs du Parti, engendrés par la nécessité du tournant tactique, de se développer considérablement et de devenir une base pour différentes tendances de classes. Plus simplement parlant, un parti qui ne va pas de pair avec les tâches historiques de sa classe devient ou risque de devenir un instrument indirect des autres classes. »

Les grands événements mondiaux – comme les guerres, les révolutions… ou une pandémie – exacerbent les pressions exercées par les autres classes sur l’avant-garde et révèlent au grand jour le véritable caractère d’un parti.

Bien que les périodes de crise fournissent les meilleurs verdicts sur un parti révolutionnaire, le résultat est préparé par ses actions dans la période précédente. Les partis révolutionnaires ne surgissent pas de nulle part à la veille d’une guerre ou d’une révolution, ils sont forgés par un processus continu qui traverse les hauts et les bas de la lutte des classes. Seule une ligne de conduite correcte dans les périodes de réaction peut jeter les bases du succès quand éclate la lutte révolutionnaire.

En d’autres termes, un parti révolutionnaire est un parti qui guide la classe ouvrière au fil des événements de manière à faire avancer son émancipation. C’est selon ces critères que nous devons évaluer la trajectoire de la LCI et celle de tout autre groupement ou parti prétendant fournir une direction révolutionnaire.