https://iclfi.org/pubs/ro/4/crise
Le cirque électoral qui s’installe au Québec cet automne se déroule alors que la crise mondiale du capitalisme provoquée par la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine s’abat de plein fouet sur la classe ouvrière. Les travailleurs font face à l’inflation galopante et la baisse de leurs salaires réels, à la décrépitude toujours plus grande des services publics, à la crise du logement, et au recul généralisé des conditions de travail et de vie, en particulier celles des femmes. Pendant ce temps, les clowns de toutes les couleurs — orange, rouge, bleu poudre ou foncé — rivalisent de tours de jonglerie avec des milliards qu’ils font sortir de leur chapeau et promettent d’investir ici ou là. Rien ne distingue cependant entre eux les partis qui se présentent aux élections sur ces problèmes fondamentaux qui s’abattent sur la classe ouvrière. Tous sont d’accord sur la nécessité de bouger quelques chiffres dans les colonnes du budget tout en laissant intact ce qui se trouve à la source même de ces problèmes : le système capitaliste et la domination de classe de la bourgeoisie. Aucune des questions vitales pour les travailleurs ne sera résolue dans le contexte de ces élections.
Vingt-sept ans après l’échec du dernier référendum, la « question des élections » semble en fait porter sur « quel nationalisme pour le Québec maintenant que l’indépendance n’est plus à l’ordre du jour ? » Le tour de force de la CAQ de Legault, c’est justement d’avoir recentré tout le débat sur la question nationale en évacuant complètement l’indépendance. Face au déclin du Parti québécois et du Parti libéral, l’« alternative » présentée aux élections c’est d’un côté le nationalisme « autonomiste » de la CAQ qui veut qu’on reste prisonnier de la Confédération canadienne, de l’autre côté le nationalisme soi-disant « progressiste » de Québec solidaire qui espère composter les restants du PQ pour nous resservir la même recette ayant conduit la lutte de libération nationale à l’échec, arrosée à la sauce « écolo » du jour. Dans un cas comme dans l’autre, la libération nationale du Québec se trouve dans l’impasse.
C’est précisément parce que les aspirations sociales et nationales des travailleurs ont constamment été enchaînées aux partis de la bourgeoisie québécoise que l’on se retrouve dans la crise sociale et l’impasse nationale actuelles. La dernière chose dont les travailleurs et les opprimés ont besoin, c’est de demeurer subordonnés à cette bourgeoisie à travers l’un ou l’autre de ses partis qui ne diffèrent entre eux que sur comment mieux servir le capital. Élections 2022 : aucun vote pour QS, la CAQ, le PQ, les libéraux ou les conservateurs !
La seule voie pour sortir de la crise sociale et de l’impasse nationale, c’est que la classe ouvrière mène une lutte contre la politique de tous ces partis. La pandémie a démontré encore plus clairement que le capitalisme pourrissant n’est pas capable de répondre aux besoins les plus élémentaires de la population. Pour même commencer à satisfaire ces besoins en santé, en éducation, pour du logement et des conditions de vie décentes, il faut une réorganisation fondamentale de la société, chasser les capitalistes et instaurer un gouvernement ouvrier par une révolution socialiste. Quant à l’indépendance, la bourgeoisie du Québec se complaît entièrement dans sa position subalterne aux impérialistes canadiens, du moment qu’elle peut tirer un maximum de profits en exploitant sauvagement « son » prolétariat. Que ce soit pour résoudre la question sociale ou la question nationale, les travailleurs doivent lutter pour une république ouvrière du Québec !
Pandémie et trahison
La bourgeoisie québécoise a répondu à la pandémie de COVID-19 de la façon qui servait le mieux ses intérêts : enfermer tout le monde à la maison pendant des mois pour essayer de freiner la propagation du virus mauvais pour sa business, et pour éviter au moindre coût possible l’effondrement total du système de santé déjà au bord du gouffre. La toile de fond immédiate pour la crise sociale qui n’en finit plus, c’est précisément cette réponse de la bourgeoisie à la pandémie de COVID-19 et la trahison colossale des directions actuelles de la classe ouvrière pour l’avoir soutenue. Pertes d’emplois massives, détérioration drastique des conditions de travail, affaiblissement des syndicats, renforcement de l’oppression des femmes, etc., tous les problèmes qui continuent de s’abattre sur la classe ouvrière ont été horriblement exacerbés par les confinements. Les travailleurs regardent ces deux dernières années de pandémie et savent à quel point ces mesures étaient inhumaines. Mais en même temps, beaucoup se disent toujours « qu’il fallait bien faire quelque chose » ou « qu’on n’avait pas d’autre choix que les confinements ».
C’est que pendant plus de deux ans, le gouvernement a fait avaler aux travailleurs le chantage moral que les confinements sont nécessaires pour « sauver des vies » et qu’il faut tous s’unir derrière la classe dirigeante au nom d’un concept universel et transclasse de la « santé publique ». Non ! L’alternative à la gestion catastrophique de la pandémie par la bourgeoisie, c’était de s’attaquer aux racines de la crise qui se trouvent dans la domination capitaliste et sortir du cadre de la propriété privée, de la production pour le profit, des attaques d’austérité contre les services publics, du logement subordonné aux intérêts des magnats immobiliers, etc. Pour protéger la santé des travailleurs et celle de leurs proches contre la menace d’un virus mortel, il fallait des grèves et des mobilisations pour plus de soins de santé, plus d’éducation, pour le contrôle syndical de la santé et de la sécurité, pour des conditions de travail que les travailleurs eux-mêmes considèrent sécuritaires : autant de choses pour lesquelles il est impossible de lutter en restant enfermé, isolé chez soi et ligoté par « l’unité nationale » avec les patrons et leur gouvernement, contre qui toutes ces demandes sont forcément dirigées. S’opposer aux confinements, qui ont affaibli en tout point la capacité de lutte de la classe ouvrière, c’était le point de départ nécessaire pour monter une réponse prolétarienne et révolutionnaire à la crise.
C’est grâce au soutien indéfectible des bureaucraties syndicales traîtresses que la bourgeoisie a pu imposer ses mesures réactionnaires et dévastatrices. Que ce soient les chefs de la FTQ, CSN, ou CSQ, toutes les directions syndicales se sont ralliées derrière « papa Legault », le drapeau québécois et le déluge d’unité nationale, laissant la classe ouvrière complètement désarmée face aux attaques dévastatrices de la bourgeoisie. En raison de l’oppression nationale du Québec, il est toujours plus facile pour la bourgeoisie ici et ses lieutenants ouvriers de faire passer ses intérêts de classe pour ceux de toute la nation : Il faut se tenir « tous ensemble, nous les Québécois » et se rallier derrière l’« État québécois » (en réalité une province de l’État canadien administrée dans l’intérêt de la bourgeoisie québécoise). Foutaise ! La pandémie a juste illustré, de façon encore plus frappante, que le nationalisme bourgeois mène à la trahison totale des intérêts des travailleurs et que la seule façon de faire avancer ces intérêts, c’est en luttant contre la bourgeoisie québécoise, pas en s’unissant derrière elle.
C’est dans les périodes de crise comme celle de la COVID-19, lorsque les contradictions entre les intérêts de la classe ouvrière et ceux de la bourgeoisie sont exacerbées, que les patrons ont d’autant plus besoin de l’unité nationale. C’est donc sans surprise que tous les partis présents à l’Assemblée nationale se sont unis derrière Legault tout au long de la pandémie, laissant de côté leurs différences secondaires pour s’unir autour de leur devoir premier et commun : servir « l’intérêt national ». Ceux qui, à la veille du scrutin du 3 octobre, pensent que QS ferait les choses vraiment différemment de la CAQ n’ont qu’à bien se rappeler que QS a totalement soutenu le gouvernement Legault tout au long de la pandémie. Les quelques critiques sporadiques de Nadeau-Dubois sur le caractère « antidémocratique » de certaines mesures de Legault ne trompent personne quant au fait que, sur les questions de fond, QS était entièrement à l’unisson avec le gouvernement sur la nécessité d’imposer les confinements et de réprimer la classe ouvrière. Il y a eu une crise, et ce parti a démontré on ne peut plus clairement qu’il est tout aussi au service de la bourgeoisie québécoise que la CAQ, les libéraux ou le PQ.
Profitant de l’unité nationale autour des confinements et du soutien unanime à Legault, les conservateurs d’Éric Duhaime sont les seuls à avoir tiré leur épingle du jeu pendant la pandémie, créant un nouveau parti bourgeois pratiquement sur la seule base de leur opposition aux confinements. Duhaime canalise maintenant une bonne part de la colère accumulée contre la réponse du gouvernement à la pandémie derrière son programme libertarien réactionnaire. Mais les conservateurs ne sont pas plus une alternative pour la classe ouvrière, et la supposée « liberté » dont ils parlent, ce n’est que la liberté des capitalistes d’exploiter les travailleurs sans entraves gouvernementales, « à la Margaret Thatcher ».
Ce qu’il fallait tout au long de la pandémie c’est une opposition communiste aux gouvernements pour canaliser la colère légitime contre les mesures sanitaires dans une direction prolétarienne et révolutionnaire. Mis à part la Ligue trotskyste, les autres groupes se réclamant du marxisme au Québec ont tous soutenu les confinements et demandé à ce qu’ils soient plus longs et plus durs, portant leur part de responsabilité pour cette trahison de la classe ouvrière. Le résultat désastreux de leur programme politique c’est d’avoir laissé des forces bourgeoises et réactionnaires comme le Parti conservateur se présenter comme les seuls opposants aux mesures sanitaires, tout en ralliant la majorité de la classe ouvrière derrière les gouvernements et leur campagne d’unité nationale (voir notre article sur les manifestations des camionneurs en page 3).
Poser clairement une alternative révolutionnaire contre les principaux partis bourgeois au Québec est encore la tâche centrale pour les marxistes ici ; la pandémie a simplement démontré on ne peut plus clairement que les groupes réformistes ne sont pas à la hauteur de la tâche et ne sont que des larbins de la bourgeoisie.
La CAQ : fédéraliste, xénophobe et anti-ouvrière
Avec sa défense des « valeurs québécoises », beaucoup de travailleurs croient que la Coalition avenir Québec de François Legault peut à tout le moins défendre leurs droits nationaux et tenir tête au gouvernement fédéral oppresseur à Ottawa. Mais les ritournelles de Legault sur la « fierté québécoise » sont un show de boucane : la CAQ est contre l’indépendance. Son programme « autonomiste » est un programme fédéraliste pour maintenir le statut de province du Québec dans le cadre oppressif et assimilationniste du Canada.
Même les mesures de défense du français contenues dans sa loi 96 et les modestes pouvoirs en immigration que Legault réclame du fédéral, bien que généralement soutenables, ne règlent pas d’un iota l’oppression nationale du Québec. La loi 96 n’est qu’une pathétique caricature de la loi 101, qui elle-même n’a jamais réglé l’oppression linguistique des Québécois malgré de réelles avancées. Et le Québec peut bien essayer de grappiller tous les pouvoirs en immigration qu’il souhaite, le contrôle des frontières est un attribut indissociable de la souveraineté et ne pourra être acquis par le Québec qu’en se séparant du Canada. À vrai dire, même les quelques pouvoirs en immigration que le Québec a pu arracher jusqu’à aujourd’hui ont été obtenus comme concessions du fédéral parce que celui-ci craignait l’indépendance : soit vous les accordez, soit on se sépare. Les arguments de Legault sur la nécessité de lui donner « une forte majorité » pour faire contrepoids à Trudeau sont du poisson pourri. Peu importe le nombre de caquistes élus, la CAQ n’a aucun rapport de force contre Ottawa parce qu’ils sont absolument dédiés au maintien du Québec dans la Confédération. Trudeau peut cracher au visage des Québécois autant qu’il voudra avec ce programme fédéraliste. C’est simple : la seule façon de mettre fin à tous les aspects de l’oppression nationale des Québécois (pas juste la langue et les frontières), c’est par l’indépendance… le rejet de laquelle se trouve à l’origine et aux fondements mêmes de la CAQ.
Avec son rejet de l’indépendance, la seule carte que Legault peut abattre pour canaliser les aspirations nationales des travailleurs québécois c’est son nationalisme conservateur et réactionnaire « de survivance » qu’il ne peut affirmer autrement que par ses attaques racistes contre les minorités et les musulmans en particulier. Un tel nationalisme n’est pas sans rappeler l’époque d’avant la Révolution tranquille quand les Québécois se faisaient marteler « les valeurs » de repli sur soi, xénophobes et anti-femmes par le clergé catholique et la bourgeoisie québécoise qui se satisfaisait pleinement de son rôle de sous-fifre administrant une province pour le compte de la bourgeoisie anglo-canadienne. Le seul objectif du nationalisme identitaire de Legault c’est de diviser et d’affaiblir la classe ouvrière multiethnique, permettant à la bourgeoisie de mieux faire passer ses attaques sur la classe ouvrière et de l’exploiter davantage.
La loi 21 est une attaque raciste pure et simple contre les femmes musulmanes. Sous prétexte frauduleux de défense de la laïcité (qui au Québec devrait en fait signifier la séparation complète de l’État et de l’Église catholique dominante), toute cette loi est faite de manière à viser spécifiquement les femmes voilées, déjà souvent au bas de la société, et à les marginaliser encore davantage en leur barrant les emplois d’enseignante et dans les CPE. L’interdiction de services dans d’autres langues que le français pour les immigrants après six mois, contenue dans la loi 96, est faite du même tissu raciste : une telle mesure fait obstacle en réalité à la transition des immigrants entre leur langue maternelle et le français et les marginalise encore davantage. De telles politiques sapent la lutte pour la libération nationale en divisant les travailleurs, enchaînant davantage les Québécois « de souche » à leur propre bourgeoisie et rejetant les immigrants dans les bras du multiculturalisme trudeauiste anti-Québec. Appuyer la CAQ est suicidaire pour la classe ouvrière !
Impasse solidaire
Contre la CAQ, virtuellement toute la gauche au Québec s’affaire à construire Québec solidaire, une alternative qui mène tout autant à la défaite pour la classe ouvrière. Appelant à un nouveau « projet de société » pour combattre le « néolibéralisme » et à renouer avec le « modèle québécois », QS puise dans les illusions dans le soi-disant « État-providence » issu de la Révolution tranquille pour faire contrepoids à la CAQ avec son propre nationalisme « progressiste ». Nonobstant sa position pour l’indépendance, le principal attrait de QS pour beaucoup de ses supporters c’est qu’il promet certaines réformes qui amélioreraient un tant soit peu les conditions de vie : investissements en santé et en éducation, 50 000 logements sociaux, assurance dentaire, salaire minimum à 18 $, etc.
Mais arrimer la lutte pour l’amélioration immédiate des conditions de vie au véhicule de QS garantit que cette lutte ira droit dans le mur. Toute avancée de la classe ouvrière, même les réformes les plus partielles et réversibles, se frappe nécessairement aux intérêts de la classe capitaliste et ne peut être arrachée qu’en opposition à celle-ci. Financer adéquatement les services publics ? Mais il faut alors confronter les patrons, leurs profits, leurs chambres de commerce qui vous répondront cordialement de « manger un char… » du moment que vous voulez piger dans leurs poches. Construire des logements abordables et de qualité ? Mais il faut encore des sommes colossales, confronter tous ces promoteurs immobiliers qui veulent construire le plus cheap possible et les gros propriétaires qui veulent tous engranger un maximum de profits. Améliorer les conditions de travail, hausser les salaires, assurer des emplois bien rémunérés à tous et aux femmes en particulier, etc. : tout ce qui est nécessaire immédiatement pour la classe ouvrière se heurte à des intérêts capitalistes profondément ancrés.
C’est simple : les intérêts des travailleurs et ceux de la bourgeoisie sont diamétralement opposés et absolument irréconciliables. Avancer les intérêts des travailleurs requiert par définition d’aller à l’encontre de ceux des capitalistes et ne peut donc se faire que par une lutte tout aussi irréconciliable contre eux. À l’inverse, tout le programme de QS est basé sur le mensonge qu’il est possible de concilier ces intérêts en administrant l’État — l’outil de la bourgeoisie pour maintenir sa domination de classe — dans l’intérêt de « tous les Québécois », ces messieurs les Péladeau et Molson comme les travailleurs et travailleuses. QS n’a aucune prétention de lutter pour le socialisme, ou de s’attaquer directement à la propriété privée de la bourgeoisie ; il pense au contraire pouvoir convaincre les patrons d’ici qu’un « meilleur compromis », qui donnerait un visage plus humain au capitalisme en mettant quelques pansements ici et là, serait dans leur intérêt.
Ce programme n’est pas un « moindre mal », mais constitue un obstacle à la mobilisation indépendante du prolétariat contre la bourgeoisie, la seule façon de faire avancer ses intérêts fondamentaux. D’ailleurs, la classe ouvrière québécoise devrait se souvenir comment se termine le film intitulé « Collaboration de classe » : le PQ aussi parlait de « projet de société » et se disait avoir un « préjugé favorable » aux travailleurs, ce qui ne l’a pas empêché d’être un parti de la bourgeoisie québécoise qui a écrasé les aspirations des travailleurs. Le remake que propose QS aujourd’hui n’est pas plus original, et certainement pas meilleur.
Autre exemple plus récent, en Grèce, l’expérience de Syriza a bien démontré le cul-de-sac où mènent de tels partis bourgeois « progressistes » au gouvernement. Syriza promettait lui aussi de redonner quelque souveraineté au peuple grec, saigné à blanc par les impérialistes de l’Union européenne (UE), et d’améliorer ses conditions de vie en mettant fin à l’austérité imposée par Berlin et Paris. Mais contre la volonté des masses grecques exprimée lors du référendum de juillet 2015 contre le plan d’austérité de l’UE, Syriza a continué d’organiser le pillage du pays et la destruction du niveau de vie des Grecs en imposant les diktats des impérialistes de l’UE. Pourquoi ? Parce que c’était la seule voie possible sur la base de son programme procapitaliste. Pour faire face aux impérialistes de l’UE, il fallait s’appuyer sur la mobilisation de la classe ouvrière et de ses comités d’action pour annuler la dette, prendre possession des banques, des ports et des industries, bref autant d’éléments de programme en contradiction directe avec le programme de Syriza basé sur la sainteté de la propriété privée et de l’État bourgeois. « Tenir tête » aux impérialistes appelait nécessairement à briser les limites du cadre capitaliste. Avec un programme fondé entièrement sur le respect de ces limites, tout ce qui restait comme option pour Syriza c’était d’imposer aux travailleurs grecs la ligne que les capitalistes avaient tracée dans le sable et de réprimer toute contestation pour la franchir.
QS, pour sa part, ne ferait rien de différent par rapport à Syriza et remplirait exactement le même rôle pour le compte de la bourgeoisie québécoise ici. Si cette dernière décidait de se ranger derrière QS et de le porter au pouvoir, ce ne serait que pour mieux désarmer les travailleurs et toute contestation sociale, les rallier derrière ce véhicule bourgeois et mieux faire passer ses attaques par la suite.
La gauche encastrée dans QS
La gauche qui se réclame du socialisme au Québec est bien consciente de la trahison qu’a imposée Syriza aux travailleurs. C’est qu’elle est bien placée pour le savoir : les camarades grecs de La Riposte « socialiste », par exemple, ont construit Syriza et lié les travailleurs à ce parti bourgeois pendant des années ! Loin de tirer les leçons de cette « expérience », c’est exactement la même chose qu’ils reproduisent ici en construisant QS, une trahison de classe pure et simple.
La Riposte rétorquera que pour éviter une éventuelle trahison de la part de QS, il suffirait de « maintenir la pression » sur le parti pour qu’il demeure fidèle à son programme « progressiste ». C’est dans cet esprit que les membres de La Riposte (ou des membres de QS qui s’identifient comme La Riposte, c’est la même chose) affirment dans leur manifeste de campagne dans QS qu’ils sont « de plus en plus alarmés par ce que nous croyons être une dérive importante des racines radicales de notre parti », ajoutant que : « Nous devons revenir aux traditions anticapitalistes de notre parti et renouer avec les traditions socialistes de la gauche québécoise. » (« Manifeste : Pour un Québec solidaire, luttons pour le socialisme », marxiste.qc.ca, 2021). C’est le même son de cloche fondamentalement du côté d’Alternative socialiste qui ne diffère en rien de La Riposte dans son désir de voir fleurir Québec solidaire.
Aucune pression ne pourra jamais changer la nature capitaliste de QS. Pour ces groupes, le programme procapitaliste de QS s’explique par des questions organisationnelles ou conjoncturelles : la chefferie, les « instances », le « manque de vision » de QS, etc. Si seulement on fait assez pression sur la direction, alors le parti sera poussé plus à gauche. Mais la politique n’est pas une question de mots ou de « bonne volonté », mais de forces sociales et de programmes représentant des intérêts de classes antagonistes : dans la société capitaliste divisée en classes, un parti ne peut pas représenter en même temps les intérêts de la bourgeoisie et du prolétariat. Le programme procapitaliste de QS, c’est la nature même de ce parti.
Issu de la fusion de la gauche petite-bourgeoise « communautaire » d’Option citoyenne et d’un ramassis de divers groupes pseudo-marxistes, QS est un parti purement bourgeois qui n’a aucun lien organique avec le mouvement ouvrier, une sorte de version laïque de la démocratie chrétienne (comme le faisait remarquer Pierre Falardeau au sujet d’Option citoyenne). Tant que le parti demeurait marginal, celui-ci pouvait bien inscrire à son programme n’importe quel verbiage pour laisser ces pseudo-marxistes désillusionnés se convaincre qu’ils font encore partie d’un mouvement « anticapitaliste ». Maintenant que le parti aspire à prendre les rênes du gouvernement à Québec, c’est tout naturellement qu’il délaisse ses phrases à consonance trop « radicale » pour prouver à la bourgeoisie québécoise qu’il est respectable et pourrait mieux faire le travail que Legault.
Il faut être absolument cynique, ou dans le meilleur des cas un sot, mais certainement pas un marxiste, pour argumenter comme ces membres de La Riposte ou d’Alternative socialiste qu’il faut être « proche » des « gens de gauche » et les encourager à se « conscientiser » en participant au « projet progressiste » de QS, sur la base duquel on pourra un jour construire un vrai parti socialiste. Non ! La seule position marxiste conséquente, c’est une lutte impitoyable contre QS pour briser cet obstacle à la mobilisation indépendante du prolétariat, à la construction d’un parti révolutionnaire et au socialisme. Voilà ce pour quoi ne lutteront jamais La Riposte et Alternative socialiste, l’unité avec le reste de la petite-bourgeoisie bien-pensante de QS étant la chose la plus précieuse au monde dans leur cœur esseulé d’opportunistes invétérés.
Pour un programme révolutionnaire !
Les travailleurs ayant une conscience de classe et les jeunes qui veulent lutter pour la libération nationale et sociale doivent dès maintenant consolider un pôle révolutionnaire autour d’un programme clair. La Ligue trotskyste est la seule aujourd’hui à mettre de l’avant ces éléments de programme fondamentaux : une lutte acharnée pour faire rompre le prolétariat des principaux partis nationalistes, et une perspective de lutte partant des besoins les plus immédiats de la classe ouvrière liée avec la république ouvrière du Québec pour réaliser la libération nationale et sociale. Voici des positions clés qui doivent dès maintenant être portées dans tous les milieux de travail et sur la base desquelles forger une opposition communiste dans les syndicats :
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Aucun soutien à la CAQ, au PQ, à QS et aux autres partis de la bourgeoisie ! La condition préalable pour faire avancer les intérêts de la classe ouvrière, c’est qu’elle lutte absolument indépendamment de toutes les forces bourgeoises et de celles qui voudraient maintenir l’unité avec elle. Pour un parti ouvrier révolutionnaire !
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À bas l’impérialisme et l’oppression nationale ! Pour l’indépendance du Québec ! La bourgeoisie québécoise est prête à faire l’indépendance seulement si les impérialistes américains sont d’accord et si ses propres intérêts économiques sont garantis : au moindre obstacle, elle capitule. S’allier avec elle est suicidaire ; il faut compter uniquement sur la classe ouvrière, y compris les travailleurs anglophones d’Amérique du Nord, pour avancer la lutte de libération nationale.
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Investissements massifs en santé, en éducation et dans tous les services publics ! Pour un programme massif d’embauche dans les services publics sous le contrôle syndical ! 30 heures de travail payées comme 40 pour répartir le travail entre toutes les mains disponibles ! Construction de nouveaux hôpitaux, de nouvelles écoles, de maisons de retraite de qualité et d’autres infrastructures dans le cadre d’une économie planifiée. Lier ces luttes au programme de QS et ses suiveux pour « taxer les riches » c’est déclarer forfait en partant.
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Logements de qualité abordables pour tous ! Saisie immédiate des maisons et logements spacieux de la bourgeoisie, des tours à bureaux, des propriétés de la Couronne et des bâtisses sous-utilisées de l’Église catholique ! Programme de construction massif sous contrôle ouvrier et expropriation sans compensation des grands propriétaires, des géants immobiliers et des grandes compagnies de construction par une république ouvrière !
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Reforgeons la Quatrième Internationale ! Sans parti révolutionnaire internationaliste, impossible pour le prolétariat ici de contrer les pressions nationalistes à la collaboration de classe et de conserver son indépendance politique. La lutte pour la construction d’une direction révolutionnaire au Québec et au Canada est indissociable du combat pour reforger la Quatrième Internationale, parti de la révolution socialiste mondiale.